Bon, j'avais laissé en plan ma longue rétrospective de Jean Rollin il y a quelques mois et je viens de me dire que ce serait pas une mauvaise idée de la continuer. Par contre, difficile d'attaquer avec un cas aussi particulier que celui de Phantasmes, le film le plus hybride de sa filmographie. Inconnu de la plupart des fans du vampirisme franchouillard et totalement par les cinéphiles ordinaires, il reste un long-métrage assez fascinant de par son mysticisme.
Pour commencer, comme d'habitude, il faut replacer l'oeuvre dans son contexte. 1975, c'est l'année où Giscard légalise le porno hard en France et c'est alors que surgissent des tonnes de films de cul dans les salles spécialisées de l'hexagone. Sachez que cette année-là il est sorti plus de boulards que de films "traditionnels" en salles. Presque immédiatement après arrive le classement X, qui retire les subventions de l'Etat aux films pornographiques et prend 20% sur chaque ticket vendu, rendant ainsi les films d'amour beaucoup moins rentables. En 1979, tous les cinémas X ont fermé. Cependant, ces quatre années de légèreté et de changement de moeurs ont laissé quelques souvenirs mémorables, et Phantasmes de Jean Rollin en est un exemple.
Film hybride, disais-je, car ici (et ce sera la seule fois dans sa carrière) Jannot tente de concilier porno et fantastique. Aujourd'hui encore on se demande (ou plutôt JE me demande, car je dois être le seul à l'avoir vu) comment il a pu réussir à convaincre ses producteurs. Quoiqu'il en soit, c'est un pari réussi ! Alliant aisément l'imagerie gothique si caractéristique de son cinéma avec des corps frétillants, Rollin parvient à faire tenir debout l'histoire de ce châtelain inquiétant qui enlève les femmes et organise des réceptions orgiaques où des gens mystérieux se donnent du plaisir dans un décor qui ne l'est pas moins. Jeux de lumière, photographie sombre, musique enivrante, le film baigne dans une atmosphère troublante avec une certaine complaisance malgré quelques problèmes de rythme (les quarante minutes de partouze au milieu du film ne font pas beaucoup avancer l'histoire).
Ayant signé le film de son vrai nom en réaction à un article de journal insultant de "lâches" tous les réalisateurs qui utilisent un pseudonyme pour produire ce genre de galipettes vidéo, Jean Rollin s'impose en pionner de l'ère du X, chose qu'il avait déjà (honteusement) entamée plus tôt la même année avec le désolant Suce-moi vampire, version hard de Lèvres de sang, film qui ne méritait pas ce traitement ignoble.