Attention - Spoiler


Phoenix nous plonge dans une Allemagne de l'après-guerre. Une Allemagne qui souhaite transformer l'horreur des camps en un souvenir lointain... Et faire des rescapés des fantômes que l'on préfère retrouver vivants, pimpants, chantants. Parce que oui, Phoenix, propose l'image d'une Allemagne encore chantante.


Nelly, le grand personnage féminin de ce huit clos, rentre à Berlin abîmée, morcelée et défigurée des camps. Son amour pour son mari la poussera à le rechercher, malgré la plus haute trahison, et à accepter un accord insupportable (pour le spectateur au moins). Elle se fera passer pour sa femme, qu'il pense (et espère) morte pour récupérer sa fortune.


Difficile ici de ne pas penser au mythe de Pygmalion, dont le réalisateur Christian Petzold propose une nouvelle interprétation, un peu sans doute, à la manière de Vertigo d'Hitchcock.
En effet, "Johnny" sculpte, à sa façon, une femme (bien vivante) pour la transformer en copie de sa femme (morte) - sans avoir conscience que la vivante et la morte ne sont qu'une (jusqu'à la scène finale).
Le film apporte une réflexion sur la puissance de l'esprit à faire abstraction de la réalité lorsque celle-ci est honteuse. Tout au long du film, le spectateur ne peut éviter de se demander comment Johnny ne reconnait pas sa propre femme.
La voix, la pointure de chaussures et l'écriture, tout correspond.
Seulement, veut-il savoir ?
La réponse semble clairement être non.


Dans le même temps, Nelly revient à la vie. En mimant celle qu'elle était et qu'elle ne pourra plus jamais être réellement ("vous croyez vraiment qu'on peut rentrer des camps comme ça?" - demande t-elle à Johnny), Nelly essaie vraisemblablement de se retrouver (importance de la reconstruction faciale "à l'identique"), de renaître de ses cendres.


L'histoire filant, Nelly semble pardonner. Le pardon serait salvateur ? Indispensable pour survivre ? Pour se rattacher à ce que l'on a de plus cher, même si cette personne vous a trahi ? Peut-être.... Mais cela suffira t-il ? La question reste en suspend. Chaque spectateur choisira la version qui le mettra le plus à l'aise.


Les acteurs sont remarquables dans leurs rôles. Nina Hoss est superbe et réussit à montrer à la fois une femme meurtrie et forte, forte de supporter un retour loin du tableau idéal dont elle rêvait. Ronald Zehrfeld est impressionnant, puissant, violent et à la fois touchant alors que le scénario ne souhaite jamais lui trouver la moindre excuse.

Jessica_De_Ruggieri
7

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le 9 avr. 2016

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