Une idée intéressante, une réalisation catastrophique !
D'accord, le propos est plutôt intéressant : en quoi consiste le quotidien d'une brigade de protection des mineurs à Paris ?
Ok, Maïwen sait donner une certaine unité à un désordre apparent, former un portrait kaléidoscopique de la brigade des moeurs, un tableau impressionniste, que chacun reconstituera selon sa sensibilité, retenant les morceaux qui l'auront marqué.
Des scènes m'ont touchées, comme celle – pourtant un peu rhétoriquement facile, de l'enfant qui crie de détresse la séparation forcée d'avec sa mère.
Mais ce films contient des défauts énormes sur lesquels je ne peux céder.
Tout d'abord sur la forme : d'accord sur l'idée du portrait éclaté, Maïwen parvient à nous donner envie de poursuivre de regarder le film sans qu'il y ait une réelle trame narrative. D'accord sur le procédé de « juxtaposition » de scènes. Mais le montage est en général catastrophique ! C'est comme si Maïwen n'était pas cinéaste, comme si elle ne connaissait pas la règle des 180° - cela est particulièrement visible dans la scène du déjeuner-prise de tête entre flics à la brigade vers le début du film : aucun moyen de se repérer dans l'espace, de comprendre qui est assis à quelle place, qui parle à qui, c'est filmé et monté n'importe comment. Rien de plus énervant, ce seul défaut suffit à gâcher un film !
Toujours sur le montage, le film, du moins dans sa première partie est mal équilibré : le premier quart du film est étouffant même si les échanges tendus, directs et crus des flics entre eux suscitent l'intérêt, on a deux ou trois scènes de repas quasiment à suivre, en cadre serré et mal monté, le reste en vase clos dans les bureaux de la brigade. Vivement qu'on aille respirer à l'extérieur ! Au fait, combien de fois les flics sont-ils filmés à bouffer ? On se croirait dans un film asiatique !
Sur le fond, le film de Maïwen, même s'il paraît au premier abord original, n'échappe pas aux stéréotypes : elle a filmé sa scène de boite de nuit, passage obligé du cinéma actuel (enfin quand on les voit qui commencent a tous danser en ligne je m'étais dit quelques secondes avant « non, elle ne va pas le faire ? Eh bien si !» Je ne parle même pas du moment ou la photographe propose à Joy Star d'enlever son chignon ! )
Les personnages sont figés, n'évoluent pas, enfermés dans leur psychologie stéréotypée : l'intello qui parle bien, la divorcée déprimée, la frigide anorexique, le gros bourrin au cœur d'or etc...
Et le pire est bien le personnage du photographe, même si c'est le seul qui évolue : Maïwen n'est pas du tout crédible dans son rôle de photographe. Si elle a voulu créé un personnage en décalage par rapport aux flics, il faudrait au moins qu'une photographe engagée par le ministère de la défense ait l'air d'un photographe (qu'elle ne soit pas obligée, comme cela est montré lourdement plusieurs fois, de soulever ses lunettes (fausses qui plus est nous avoue-t-elle dans la boite de nuit!) pour prendre chaque photo...).
En parlant de lourdeur démonstrative, les scènes de disputes à la maison comme les scènes de disputes entre collègues finissent par lasser, à croire que ces personnages-flics ne savent pas s'exprimer autrement entre eux qu'en gueulant – sauf l'intello bien-sûr. Et comment croire que ces mêmes flics si peu soucieux de leur vocabulaire et de la maitrise de leurs émotions puissent faire preuve de tant de psychologie avec les pauvres mômes tout cassés qu'ils ramassent ?
Et comment trouver crédible leur grande déontologie alors qu'une scène montre l'ensemble de la brigade se foutre littéralement de la gueule d'une pauvre adolescente qui ne sait pas faire la part des choses ? Comment concilier les grosses engueulade que les flics ont entre eux et cette espèce de demonstrativité lourd-dingue de solidarté, genre dès qu'il y en a un ou une qui pète les plombs tout le monde est là derrière lui, je veux dire physiquement derrière lui, dans le même cadre, comme on peut le voir dans la scène ou la flic rebeu règle ses comptes avec un espèce d'intégriste ? Il me semble que le sang-froid doit être l'une des qualités attendue chez les flics, non ?
Mais le pire est encore la fin du film : cet espèce de montage en parallèle entre un enfant victime de pédophilie qui parvient à littéralement tenir debout après un salto de gymnastique au ralenti – waw, la métaphore ! - et l'anorexique aigrie qui se jette par la fenêtre le jour de la rentrée quand elle apprend qu'elle est promue chef de groupe. Les enfants peuvent s'en sortir, mais ce sera au prix de la vie des flics de la brigade de protection des mineurs. Tonalité finale tragique après un film qui hésite tout entier entre la grosse farce et le drame.