Polisse
7.2
Polisse

Film de Maïwenn (2011)

Le film raconte la vie d'une brigade de protection des mineurs à Paris et s'inspire de faits réels.
On entre dans l'univers de la pédophilie, du viol, de la prostitution, de l'inceste.


On vit aussi avec les policiers de la brigade. On les accompagne dans leurs activités professionnelles, mais aussi dans leur vie intime. On partage leurs temps de pause, leurs complicités entre collègues, leurs soirées en groupe , en couple ou seuls.


Il y donc une alternance intéressante, sans transition aucune, entre des scènes d'interrogatoire à la brigade, des interventions de terrain assez spectaculaires, et des scènes plus quotidiennes, comme par exemple une scène de confidences entre collègues au bar, une scène de couple au lit, ou un dialogue entre un papa et sa fille, tandis qu'il lui donne le bain.
Les scènes d’interrogatoire sont évidemment les plus saisissantes, surtout au début du film. Elles sont frappantes car elles concernent des enfants et parce qu'on parle de faits graves, qui sont souvent des crimes : inceste, pédophilie, violences sur mineurs, prostitution d'enfants etc...


On a beaucoup reproché à Maiwenn une absence de construction de la mise en scène et une suite désordonnée de scènes, sans aucune logique et sans aucune réflexion. Je ne suis pas d'accord avec cette analyse. Je trouve que cette alternance est un vrai choix scénaristique et apporte une dynamique intéressante. De plus, cette suite sans transitions reflète bien le travail très spécifique des policiers chargées de la protection des mineurs. Dans leur quotidien, ils passent sans transition d'une affaire à l'autre. Ils doivent s'adapter à ce rythme qui peut s’accélérer soudain, réagir vite, recevoir une famille en détresse, aller sur le théâtre des opérations très rapidement en cas d'urgence, comme le film nous le montre.


Montrer les moments de pause, l'intimité des personnages nous les rend bine plus proches, bien plus attachants. Pour moi, c'est la grande qualité du film.


Quelle palette de personnages et de situations !
Cela produit des scènes tour à tour rocambolesques, effarantes, très émouvantes, drôllissimes.


En tout cas Maïwenn y dirige superbement ses acteurs. chapeau l'artiste !


JoeyStarr survole tout ça avec brio : son jeu est très étonnant ! Il y joue Fred, un flic à fleur de peau, hyper sensible et extrêmement impliqué dans son métier. Il réagit à brûle pour point et n'hésite pas, même dans ses accès de colère, à malmener sa hiérarchie. Mais il est très respecté par tous ses collègues, y compris par le chef de brigade, car il assure sur les terrains d'opération et dans les interrogatoires (il est d'ailleurs souvent appelé en renfort par ses collègues).
De plus, sa grande sensibilité lui fait trouver les mots ou les gestes pour rassurer les enfants, comme ce petit Ousmane qui ne veut pas aller dans un foyer seul et quitter sa mère. Il faut dire que Fred est un papa dévoué, attentionné, qui adore sa fille.
C'est aussi un grand sentimental, mais qui ne mâche pas ses mots et peut se montrer très impulsif, au gré de ses humeurs.
Au début, il a tendance à rejeter Mélissa, la photographe qui va passer plusieurs mois dans la brigade (interprétée par Maïwenn elle-même). Il va même la provoquer car elle ne le laisse pas indifférent. Une histoire d'amour va naître.
Je trouve que ce personnage de Fred est dépeint subtilement. C'est celui qui est le plus creusé à mon sens. En tout cas, il a donné un grand rôle de composition à JoeyStarr, cassant son image d'homme brutal, dénué de sentiments.


Karin Viard et Marina Fois forment un duo irrésistible, entre complicité et règlement de compte. La prise de bec à la fin du film est d'autant plus impressionnante et inattendue qu'on a vu les deux "commères" être super complices par le passé, et se confier les moments les plus intimes de leur vies, y compris leur sexualité.


On mesure les risques du métier avec la blessure qu'endure le personnage interprété par un Nicolas Duvauchelle tout en sensibilité.


On retrouve aussi avec plaisir Emmanuelle Bercot, co-scécariste du film, Jérémie Elkaim, l'intellectuel aux grandes phrases et au grand cœur, la pétulante Naidra Ayadi, qui défend bec et ongle ses points de vue. Naidra a d'ailleurs obtenu le césar du meilleur espoir féminin pour ce rôle.


C'est une sorte de famille cette brigade : on s'aime, on s’engueule, on rit, on pleure, on meurt. D'ailleurs, le chef de brigade, interprété par l'excellent Frédéric Pierrot, on l’appelle "papa" ou Balloo (au choix). Il faut bien ça pour supporter le pire, l'indicible, les mensonges de certains, l'inconscience des autres et toujours la souffrance des plus jeunes.


En tout cas, je note que tous les acteurs, grands comme petits sont formidables, et que toutes les scènes sonnent incroyablement justes, alors que les sujets sont fort délicats, surtout dans les scènes d'interrogatoire.


Le rythme est trépident. On ne s'y ennuie pas un seul instant. C'est la vie, dans tous ses mouvements incertains.


Note attribuée : 8.5/10

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le 11 févr. 2017

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