Polisse
7.2
Polisse

Film de Maïwenn (2011)

Décidément, ce mois d'octobre 2011 restera un très grand cru cinématographique vu qu'après Drive et The Artist (que je n'ai pas encore vu mais qui s'annonce grandiose), voici venir Polisse, dernier né de Maïwenn : réalisatrice iconoclaste dans le paysage sclérosé du cinéma Français.

En tant qu'adepte du "cinéma vérité", la réalisatrice sait parfaitement que la réussite d'un film de ce genre repose entièrement sur son sujet d'où l'idée géniale de raconter le quotidien des flics de la Brigade de Protection des mineurs. En effet, le quotidien de ces hommes et de ces femmes confrontés à ce que l'humanité a de plus dégueulasse, constituait un puissant objet de cinéma. Mais alors que certains se seraient contenter de faire un documentaire, Maïwenn a pris le risque de mettre en scène une fiction et remporte son pari haut la main.

Polisse est une chronique sociale et sociétale qui vous prends aux tripes du générique de début jusqu' au dernier plan en évitant tous les écueils liés à la complexité d'un tel sujet. Ainsi, point de parti pris ou de manichéisme dans un film qui enchaîne les scènes d'un réalisme saisissant.
Par un subtil procédé de mise en abîme (le personnage joué par Maïwenn est dans la même position que le spectateur), la cinéaste nous place en immersion aux côtés de policiers qui sacrifient leurs vies personnelles pour sauver celle de minots, victimes de la violence d'une société incapable de protéger leur innocence. La réussite de cette immersion totale est due une mise en scène intimiste et très travaillée (voir la composition des cadres et la photo sublime) mais aussi et surtout à l'écriture des personnages, criants de vérité et prismes émotionnels pour le spectateur.
A ce titre, un élément indispensable au succès du film était que les interprètes s'effacent totalement derrières leurs personnages (pas évident avec un tel casting) : sur ce point, Maïwenn réalise un véritable tour de force en matière de direction d'acteurs vu que ces derniers sont d'une justesse rare.

La qualité exceptionnelle de l'interprétation est révélatrice de l'équilibre miraculeux d'un film qui nous en met plein la gueule sans jamais en faire trop. Le métrage est d'une humanité estomaquante notamment dans la réaction des personnages face à la crudité des situations décrites. Pendant deux heures, on est entraîné dans un véritable tourbillon émotionnel : indignation, rage face à la monstruosité des adultes, rire face à l'absurdité de situations pourtant bien glauques (la scène du portable déjà culte !), pleurs devant des drames familiaux déchirants, etc. le tout transcendé par des acteurs sensationnels et des dialogues au cordeau.
Enfin, le métrage jette également un regard sans concessions (mais non dénué d'humour) sur la vie privée de ses personnages dont le fardeau professionnel déteint fatalement sur la vie affective.
Maïwenn conduit donc magistralement sa barque jusqu'à un final tétanisant mais d'une logique implacable au regard de ce qui a précédé...

Au final, on sort complètement sonné : car Polisse est une claque ! Une vraie ! Comme le cinéma français ne nous en a pas offert depuis des lustres. Alors oui, on peut quand même lui trouver quelques défauts : des sous-intrigues moins intéressantes que d'autres ou encore la romance Maïwenn / Joey Starr qui phagocyte un peu trop le reste du récit même si la manière dont la réalisatrice filme l'animal est une véritable déclaration d'amour. A ce titre, pour évoquer la performance du sieur Morville, disons juste que sa présence physique monstrueuse et son cachet de voix inimitable, doublés d'une sensibilité qu'on ne lui connaissait pas, devraient logiquement lui assurer une nomination aux césars (où alors ils sont définitivement cons..)

A l'heure où 80 % des réalisateurs français sont infoutus de nous servir autre chose que des drames bobos filmés dans des trois pièces cuisines ou des comédies beaufs à vous faire regretter Max Pécas. Polisse est une œuvre salvatrice et indispensable de par son propos et son traitement inédit. Maïwenn a réalisé rien de moins qu'un des meilleurs films français de ces dix dernières années. Respect !
Diego290288
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 23 oct. 2011

Critique lue 292 fois

Diego290288

Écrit par

Critique lue 292 fois

D'autres avis sur Polisse

Polisse
Chaiev
3

Le bal des pompiers

Maïwenn a mis la chanson de l'Ile aux Enfants sur son générique de début ("voici venu le temps des rires et des chants", vue la suite, je crois que ça signifie que le monde de l'enfance n'est pas si...

le 22 oct. 2011

136 j'aime

52

Polisse
reno
5

Critique de Polisse par reno

Dès l'ouverture de Polisse nous voilà prévenus : on jure de nous dire la vérité, celle naturellement qui sort de la bouche des enfants. Et c'est là la grande confusion qu'instaure le film. Ce que...

Par

le 31 oct. 2011

117 j'aime

12

Polisse
Gand-Alf
8

Délivrez-nous du mal.

Laissant de côté l'univers personnel et un peu trop douillet de ses précédents essais, la comédienne / cinéaste Maïwenn prend un peu plus de risques en s'attaquant à un sujet extrêmement délicat,...

le 20 janv. 2014

72 j'aime

1

Du même critique

Jason Bourne
Diego290288
5

L'épisode de trop...

Après une première trilogie cohérente et globalement réussie (on oubliera volontairement le spin-off raté avec Jeremy Renner...), on pensait que le duo Damon / Greengrass volerait vers d'autres...

le 10 août 2016

39 j'aime

6

L'Interview qui tue !
Diego290288
6

THEY HATE US CUZ THEY AIN'T US !

On ne va pas revenir sur tout le cirque politico-médiatique engendré par The Interview car n'en déplaise aux naïfs qui y voient une violente charge politique et aux hipsters qui dénonceront une...

le 25 déc. 2014

36 j'aime

3

Ghost in the Shell
Diego290288
3

EMPTY SHELL

Il est très difficile pour moi d'être objectif concernant Ghost in The Shell sachant que les films de Mamoru Oshii et la formidable série Stand Alone Complex ont été de véritables traumatismes geek...

le 29 mars 2017

35 j'aime

2