Décidément, ce mois d'octobre 2011 restera un très grand cru cinématographique vu qu'après Drive et The Artist (que je n'ai pas encore vu mais qui s'annonce grandiose), voici venir Polisse, dernier né de Maïwenn : réalisatrice iconoclaste dans le paysage sclérosé du cinéma Français.
En tant qu'adepte du "cinéma vérité", la réalisatrice sait parfaitement que la réussite d'un film de ce genre repose entièrement sur son sujet d'où l'idée géniale de raconter le quotidien des flics de la Brigade de Protection des mineurs. En effet, le quotidien de ces hommes et de ces femmes confrontés à ce que l'humanité a de plus dégueulasse, constituait un puissant objet de cinéma. Mais alors que certains se seraient contenter de faire un documentaire, Maïwenn a pris le risque de mettre en scène une fiction et remporte son pari haut la main.
Polisse est une chronique sociale et sociétale qui vous prends aux tripes du générique de début jusqu' au dernier plan en évitant tous les écueils liés à la complexité d'un tel sujet. Ainsi, point de parti pris ou de manichéisme dans un film qui enchaîne les scènes d'un réalisme saisissant.
Par un subtil procédé de mise en abîme (le personnage joué par Maïwenn est dans la même position que le spectateur), la cinéaste nous place en immersion aux côtés de policiers qui sacrifient leurs vies personnelles pour sauver celle de minots, victimes de la violence d'une société incapable de protéger leur innocence. La réussite de cette immersion totale est due une mise en scène intimiste et très travaillée (voir la composition des cadres et la photo sublime) mais aussi et surtout à l'écriture des personnages, criants de vérité et prismes émotionnels pour le spectateur.
A ce titre, un élément indispensable au succès du film était que les interprètes s'effacent totalement derrières leurs personnages (pas évident avec un tel casting) : sur ce point, Maïwenn réalise un véritable tour de force en matière de direction d'acteurs vu que ces derniers sont d'une justesse rare.
La qualité exceptionnelle de l'interprétation est révélatrice de l'équilibre miraculeux d'un film qui nous en met plein la gueule sans jamais en faire trop. Le métrage est d'une humanité estomaquante notamment dans la réaction des personnages face à la crudité des situations décrites. Pendant deux heures, on est entraîné dans un véritable tourbillon émotionnel : indignation, rage face à la monstruosité des adultes, rire face à l'absurdité de situations pourtant bien glauques (la scène du portable déjà culte !), pleurs devant des drames familiaux déchirants, etc. le tout transcendé par des acteurs sensationnels et des dialogues au cordeau.
Enfin, le métrage jette également un regard sans concessions (mais non dénué d'humour) sur la vie privée de ses personnages dont le fardeau professionnel déteint fatalement sur la vie affective.
Maïwenn conduit donc magistralement sa barque jusqu'à un final tétanisant mais d'une logique implacable au regard de ce qui a précédé...
Au final, on sort complètement sonné : car Polisse est une claque ! Une vraie ! Comme le cinéma français ne nous en a pas offert depuis des lustres. Alors oui, on peut quand même lui trouver quelques défauts : des sous-intrigues moins intéressantes que d'autres ou encore la romance Maïwenn / Joey Starr qui phagocyte un peu trop le reste du récit même si la manière dont la réalisatrice filme l'animal est une véritable déclaration d'amour. A ce titre, pour évoquer la performance du sieur Morville, disons juste que sa présence physique monstrueuse et son cachet de voix inimitable, doublés d'une sensibilité qu'on ne lui connaissait pas, devraient logiquement lui assurer une nomination aux césars (où alors ils sont définitivement cons..)
A l'heure où 80 % des réalisateurs français sont infoutus de nous servir autre chose que des drames bobos filmés dans des trois pièces cuisines ou des comédies beaufs à vous faire regretter Max Pécas. Polisse est une œuvre salvatrice et indispensable de par son propos et son traitement inédit. Maïwenn a réalisé rien de moins qu'un des meilleurs films français de ces dix dernières années. Respect !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.