La parole est à la défense

L'erreur serait de croire que ce film présente un compte-rendu fidèle de ce qu'a pu être l'affaire d'Outreau. Biaisé, le scénario est coécrit par l'avocat des Marécaux qui se retrouve plutôt bien mis en valeur : il apparaît comme le bon sens incarné, ses questions restent souvent sans réponse, et le récit qui est fait du procès aux Assises pourrait même laisser penser qu'il était le seul avocat présent (alors que 17 accusés, ça entraîne la présence d'au moins autant d'avocats).
La mise en scène de l'enquête présente les mêmes défauts. Le juge d'instruction est présenté comme un salaud intégral qui ne veut rien entendre (Bertrand Tavernier ne me contredira pas sur ce point, puisque, s'étant un peu trop pris au jeu, il a fait récemment part de l'envie de "l'exécuter" qu'on peut avoir à la vision du film), et le juge des libertés n'apparaît qu'une seule fois, alors que la détention préventive était bien l'un des noeuds du problème.
Le malaise est renforcé par l'emploi des noms réels des protagonistes, et renforce l'impression qu'on a ici la prétention de nous raconter la vérité.

Cette subjectivité, plutôt handicapante pour un film de procès, devient la grande force du film quand il s'agit de relater les effets sur la vie d'Alain Marécaux. Torreton est totalement imprégné de son désespoir et de sa solitude. La transformation physique mais aussi psychologique devient évidente. On ressent le temps qui passe et les conséquences désastreuses de l'affaire sur tous les aspects de sa vie personnelle.

Au final, ça donne un film à la fois sincère et malhonnête, qui prend des airs de plaidoierie scénarisée dans ses plus mauvais moments.
On a plus envie de retenir sa description du parcours difficile d'un accusé que sa charge maladroite du système judiciaire, qui fait l'effet d'un rendez-vous manqué (pourquoi, par exemple, si peu d'insistance sur les délais de jugement ?).