Si il y a bien un aspect du film qui est intéressant, c'est son rapport au temps. Premièrement sur le plan concret de la facture du film: prolongeant un longue tradition d'un certain cinéma asiatique, les choix de montages expriment une volonté de cristalliser le temps qui passe, de sculpter ce matériaux qui est la matière première du 7éme art. Sur ce point, le film nous paraissait particulièrement pertinent du fait de faire coïncider dans ce rapport au temps d'une part la mouvance cinématographique dans laquelle il s'inscrit avec d'autre part la tradition spirituelle dont il dépeint certains aspects, le bouddhisme. Le film se structure selon ce qui constitue explicitement un parallélisme entre le rythme de la nature et le cycle de la vie humaine (faisant correspondre artificiellement chaque saison avec un âge de la vie, ainsi que les enseignements qui lui sont attachés). Ont voit l'enchaînement des saisons marquer successivement différents aspects de la vie humaine: l'insouciance, le désir, la solitude, la mort et la rédemption, dans ce qui constitue un cercle d'éternel recommencement et de transmission, renvoyant au renouveau de la nature. Cette conception circulaire est très présente dans les traditions de pensée asiatique et s'illustre particulièrement dans le bouddhisme.
Que ce soit par le fil des saisons ou par le curieux motif circulaire que les quelques protagonistes se succédant dans le cadre semblent tisser par leur actions, le film dépeint clairement le caractère cyclique de la vie et du temps. Dans ce cas-ci, l'influence de la pensée bouddhiste se manifeste de façon explicite dans cette conception du cycle de la vie, mais le motif répété est un trait commun à une grande partie de l'oeuvre de Kim Ki-duk, qui soit dit en passant est de confession catholique, démontrant plus un naturel curieux et sensible à l'altérité comme source d'inspiration qu'une quelconque volonté d'apologie d'un type de discours. La forme du discours lui est d'ailleurs peu familière, que ce soit dans Printemps,... ou dans le reste de son oeuvre, Kim Ki-duk dévoile une narration qui relève plus du mode sensitif que du mode rationnel, passant entre les mailles du filet de l'intellectualisation. La quasi absence de discours des protagonistes même est révélatrice de la volonté qui préside à la réalisation de l'oeuvre; plus suggestif que verbal, plus spirituel que raisonné, plus fabuleux que doctrinal.
Printemps,... comme toute l'oeuvre de Kim Ki-duk est traversée d'un violence latente, viscérale mais implicite et toujours profondément ancrée dans la nature humaine. Préférant dans ce domaine l'authenticité à la profusion, cette violence ne se laisse que rarement voir autrement que sur le plan symbolique.
"J’ai une idée obsessionnelle, obstinée du cinéma en tant que mélange de tension, de crise, de paix, d’ironie et de destruction. Pour moi le cinéma, c’est tout ça à la fois." Kim Ki-Duk