La première fois que je me suis confrontée à l’image, au sens esthétique de Winding Refn, c’était lors d’une projection de son plus récent projet, The Neon Demon. J’y avais pressenti un certain maniaque du contrôle, en jugeant par une stabilité froide des mouvements de caméra, la sophistication des jeux de lumières et d’ombres qui ne laissèrent pas, ou du moins peu de place à l’imprévu, au compromis, au désagrément. Ce sentiment de domination de l’image, je l’ai très vite abandonné en découvrant Pusher.
La caméra inclut une proximité entre le spectateur et les protagonistes, une présence insistante dans les courts instants de répit et les longues pérégrinations nocturnes. Winding Refn masque sa présence le jour, laissant les rênes à une caméra désordonnée, presque brutale dans ses changements de plan, nous balançant au sens littéral d’un personnage à l’autre durant les dialogues, comme si elle tentait de mimer le regard humain. La transposition dans un personnage n’est pas nécessaire, puisque nous faisons partie intégrante du décor et des évènements qui s’y déroulent. La nuit tout bascule, et le réalisateur surgit de l’ombre et appose lors des scènes dans les clubs sa sensibilité aux effets lumineux, son amour pour les contrastes forts entre l’obscurité et les néons.
Tout comme l’alternance des lumières, les personnages et leur destin empruntent le même chemin. La linéarité désirée par chacun d’entre eux est sans cesse contrecarré, obligeant à un détour, lui-même vain. Le cloisonnement entre quatre murs se fait progressif, tout comme la violence, jamais surfaite mais permettant au contraire d’amplifier un sentiment particulier, qu’il soit le désespoir de Franck ou la colère de Milo.
La BO en elle-même est un chef d’œuvre, se prête au jeu du changement d’atmosphère, son éclectisme fait par ailleurs, selon moi, sa force et apporte une consistance au film autre que l’instrumentalisation de ce dernier.
Je vous recommande chaudement ce film, les âmes sensibles dont je fais partie pourront aussi le regarder sans grimacer à chaque bagarre !