À chaque film coup de poing, à chaque film de Nicolas Winding Refn, une question revient: qu'est-ce que la radicalité au cinéma? Un explicite choquant? Une mise en scène jusqu'au-boutiste? Une violence scénaristique? Une esthétique recherchée pour elle-même?


Si le réalisateur s'est donné le titre de maître en la matière du geste radical (la lenteur dans Too old to die young, l'esthétique de mode dans The Neon demon...), ce Pusher II serait peut-être le chef-d'oeuvre de l'auteur. Le chef-d'oeuvre se doit-il d'être radical pour devenir chef de file? Sans doute. Mais ici, étonnement, ce n'est pas l'élan général d'une caractéristique qui constitue la radicalité du film mais plutôt la bipolarisation du message.


Dans le monde de la mafia, à Copenhague comme à deux pas de chez vous, une seule règle fait loi: domine ou accepte la domination. Tonny, jeune ex-tôlard est l'archétype du dominé, esclave de la nécessité et du temps passé: il court après de l'argent pour rembourser sa dette, devient père par défaut car il n'a pas mis de préservatif en allant au bordel, se retrouve dans des magouilles contre son gré. Cette vie de domination est très bien mise en scène par Refn: on retrouve déjà les esquisses des recherches esthétiques à venir, mais on se retrouve en immersion dans un monde de la mafia qui peut dérailler à tout moment, avec de la coke coupée à la mort aux rats pour prévenir d'un éventuel cambriolage à un vol de Ferrari imprévu mais si facile.


Ce film propose une nouvelle approche du cinéma de bandits car il montre un dominé s'emparer de la radicalité et de la volonté dans un acte final, au prix du sang (du père) sur les mains. Et c'est en acceptant la radicalité qui l'obligeait jusqu'alors que Tonny commence à vivre: il tue son père et récupère son fils, pour lui épargner de prendre sa place plus tard dans la société. Notez à ce sujet le sens donné au jeu de lumière: tous les personnages sont présentés avec une ombre qui cache leurs yeux, leur identité, comme pour prendre à contre-pied l'image du gangster victorieux des Affranchis. En retour, l'enfant, dans toute sa pureté, est orienté vers la lumière, dénué de toute ombre sur une vie, encore à construire. Tonny rentre dans le bus, celui qui lui était imposé plus tôt dans le film, et offre de la douceur pour la première fois à un être vivant. Le film se termine sur un plan de son crâne vu de derrière: RESPECT.


Désormais, Tonny a choisi de vivre, de respecter sa propre volonté, sa propre morale. Il faudra le respecter car il est prêt à vous dominer pour cela. La plus belle des radicalité, c'est celle de vivre par choix plutôt que par nécessité.

morenoxxx
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le 3 mars 2021

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