L’Espagne nous offre une fois de plus un bon policier dans la lignée de « La Isla Minima » il y a trois ans. Atmosphère aussi poisseuse, duo de flics aussi désabusés et antipathiques et crimes abominables viennent garnir cette enquête qui se déroule cette fois non pas dans une Andalousie post-franquisme mais dans la moiteur de l’été madrilène en 2011, année où Benoit XVI décida de venir visiter la capitale espagnole. Ici le contexte historique sert juste de décor accentuant la tension contrairement au film précité où l’affaire était imbibée de cette conjoncture nouvelle. En revanche, les tréfonds de l’âme humaine sont encore une fois sondés dans toute leur horreur avec un penchant avoué pour le nihilisme extrême. Un peu comme ont pu le faire d’autres excellents films policiers récemment comme le chef-d’œuvre de Denis Villeneuve « Prisoners » ou le méconnu film néerlandais « The Beast ». Point de salut ici ; ni pour les victimes, ni pour leurs bourreaux mais pas plus pour les flics chargés de résoudre l’affaire. « Que dios nos perdones » fait clairement le choix d’être sombre, sans échappatoire et aucun des personnages qui égrènent le long-métrage de Rodrigo Sorogoyen n’est à sauver. Ils sont tous aussi méprisables les uns que les autres. Dans ce contexte, difficile de s’attacher à l’un d’entre eux, et c’est peut-être aussi ce qui fait la force du film et sa morale : nous sommes tous des âmes pécheresses et point de salut pour l’humanité. En revanche, le scénario prend le soin de s’attarder sur la psychologie de ses deux enquêteurs, en nous détaillant leur vie privée et professionnelle avec soin. Cela permet de mieux les comprendre et, au final, si l’on ne s’attache pas vraiment à eux, on peut les prendre en pitié. Les scènes intimes en deviennent donc aussi intéressantes que celles ayant trait à l’intrigue elle-même. Une intrigue qui, si elle n’est pas proprement révolutionnaire, tient en haleine de bout en bout durant deux heures en dépit d’un ou deux raccourcis faciles. Et ce n’est pas tant sa résolution qui importe, mais plutôt la façon dont ces flics interagissent entre eux pour réussir à arrêter le meurtrier. Tout comme la manière d’opérer su serial-killer, sans concessions. On a en effet rarement vu meurtres aussi écœurants et insoutenables que ceux perpétrés par ce tueur et violeur de mamies. Il faut souligner que c’est un troisième film et que la maîtrise narrative du cinéaste en herbe et sa maestria technique, dont l’apogée est un plan-séquence suivant le tueur revenant sur les lieux d’un de ses crimes, est bluffante. On pourra regretter la manière un peu incongrue et étrange avec laquelle se conclue « Que dios nos perdone » alors que l’on saluera son refus du spectaculaire au profit du réalisme le plus extrême. Dans tous les cas, il prouve une nouvelle fois la vitalité du cinéma de genre espagnol comme a pu l’être celle du cinéma de genre scandinave récemment ; et que la France est sacrément en retard dans ce domaine. Un polar moite, violent et prenant qui satisfera donc les amateurs du genre.

HenriMesquidaJr
7
Écrit par

Créée

le 20 déc. 2017

Critique lue 187 fois

HenriMesquidaJr

Écrit par

Critique lue 187 fois

D'autres avis sur Que Dios nos perdone

Que Dios nos perdone
Sergent_Pepper
6

Je vous salue mamie.

Il y a mille et une façon de rater un film, dont une, particulièrement ironique, qui consiste à le faire à la suite de trop bonnes intentions. Que dios nos perdone, on s’en rendra compte bien tard,...

le 18 août 2017

31 j'aime

10

Que Dios nos perdone
limma
8

Critique de Que Dios nos perdone par limma

Deux policiers enquêtent sur un tueur en série, violent et macabre, pris entre l'amour de sa mère et la haine des femmes. Par le biais du thriller classique, le metteur en scène espagnol Rodrigo...

le 2 mars 2017

27 j'aime

9

Que Dios nos perdone
Jeannne
3

Que dios nos pardone...esta pelìcula

Un serial killer gérontophile sévit dans la capitale madrilène tandis que la ville, plombée par une chaleur infernale, prépare la venue de Benoît XVI . A la lecture du synopsis cela laissait...

le 16 août 2017

14 j'aime

Du même critique

Jonas
HenriMesquidaJr
8

Critique de Jonas par HenriMesquidaJr

Magnifique premier film d'un jeune réalisateur ultra talentueux et plein d'avenir. Je l'ai vu en avant première, les acteurs sont tous formidables et bien dirigés, le scénario est malin et tient en...

le 16 sept. 2018

10 j'aime

L'Œuvre au noir
HenriMesquidaJr
9

Critique de L'Œuvre au noir par HenriMesquidaJr

Pour commencer, si vous avez l'intention de lire ce roman et que vos connaissances historiques sont faibles, il va vous falloir réviser. Je pense très sincèrement qu'il est indispensable de bien...

le 12 mars 2017

9 j'aime

2

Werewolf
HenriMesquidaJr
8

Critique de Werewolf par HenriMesquidaJr

Attention pas de loup garou dans ce film qui n'est pas non plus un film d'horeur mais un drame psychologique. Nous sommes en 1945. La guerre vient de se terminer mais les premières semaines de paix...

le 2 oct. 2019

8 j'aime