Quand j'annonçais autour de moi que Quelques Minutes Après Minuit était un des films que j'attendais le plus cette année, beaucoup semblaient surpris. En quoi cette adaptation d'un roman pour enfant, que certaines bandes-annonces vendaient comme une sorte de Peter et Elliot le Dragon, pouvait-elle tellement m'attirer ? Eh bien, ce film m'avait fait une promesse... Une promesse que j'avais pu lire malgré une campagne marketing pas toujours adaptée... Loin d'être uniquement film pour enfant, A Monster Calls me semblait être avant tout un conte pour adulte, qui se servirait des codes de la fable pour parler de sujets graves tels que le deuil, l'acceptation ou l'évasion par le rêve et la création. Étant donné qu'au travers de son premier film, l'Orphelinat, c'était exactement ce qu'avait brillamment réussi à faire le réalisateur Juan Antonio Garcia Bayona, je partais en toute confiance. Cette promesse, même s'il n'est jamais parvenu à la sublimer, le film l'a tenue tout du long.
À la sortie de la salle, j'étais d'ailleurs persuadé que Bayona était clairement le choix idéal pour adapter cette histoire. Car soyons honnêtes, elle est quand même fort convenue et prévisible. Il s'agit en quelques sortes d'une variation d'Un Conte de Noël de Charles Dickens, adapté au deuil. Dans les mains d'un metteur moins impliqué et appliqué, le film aurait très facilement pu devenir au choix un mélo sirupeux ou un film classique pour enfant. Au final, l'on se retrouve avec une œuvre qui n'est ni l'un ni l'autre mais une sorte de mix étrange se servant de thématiques enfantines pour parler aux adultes. En ce sens, ce film se rapproche assez fortement du Secret de Terabithia ou de Max et les Maximonstres. Même s'il n'atteint pas forcément les sommets qu'approchait le second cité, A Monster Calls permet au réalisateur espagnol de déployer tout son talent. Qu'il soit narratif, thématique ou visuel.
Le visuel justement, parlons-en ! Un des thèmes du film étant l'apprentissage par la création, nous avons droit à quelques séquences en aquarelle absolument sublimes. Mélangeant animation traditionnelle, prise de vue réelle et image de synthèse, ces quelques scènes sont aussi bluffantes techniquement que vivifiantes pour les yeux. Tout comme il l'avait fait avec l'Orphelinat, Bayona ne se sert pas de son sens du visuel et du gothique pour jeter de la poudre aux yeux mais bien pour renforcer et servir ces thématiques. Même si l'on devine très vite ce que représentent réellement le monstre et la véritable raison de sa présence, le message passe comme une lettre à la poste. Il faut dire que le thème du deuil a rarement été abordé de façon aussi ouvertement dramatique, d'autant plus dans un film qui s'ouvre à une audience assez large. Nous aussi avons envie, comme Conor, d’hurler et de tout détruire. À travers cela, le film est assez incorruptible dans sa démarche. Même si ça n'a l'air de rien, une scène comme celle de l’aveu de Conor est une des plus justes que j'aie vu depuis longtemps sur les paradoxes de la psychologie enfantine (et humaine au sens large d'ailleurs). Il fallait quand même être parfaitement en adéquation avec son sujet et savoir exactement de quoi on parle pour aborder avec autant de justesse de telles thématiques.
Même s'il traîne la réussite de l'Orphelinat derrière lui et que l'on ressent parfois cette impression de vouloir refaire un chef d'œuvre qu'il n'arrivera plus jamais à atteindre, Bayona traite son sujet en véritable auteur. Emouvant sans tomber dans le mélo, sublime sans tomber dans le kitch, il dose parfaitement ses effets. Il tire le meilleur d'un récit assez convenu qui, même s'il manque parfois d'enjeu narratif, arrive à vous emporter et vous faire un peu mieux comprendre les créatures paradoxales que sont les humains.
En deux Mots:
Bayona retrouve les thématiques et codes visuels de l'Orphelinat et arrive par son sens esthétique et sa maîtrise de la question du deuil à poétiser une histoire prévisible et un peu convenue. Mélangeant adroitement film pour enfant et mélodrame, Quelques Minutes Après Minuit ravira les adultes et grands enfants (pas avant 10 ans, c'est certain) qui apprécient l'association de la fantaisie visuelle et de la psychologie enfantine.