Il y a quelque chose de régressif - limite un brin péjoratif - à constamment comparer le talentueux Juan Antonio Bayonaà ses deux mentors légitimes : les inestimables Steven Spielberg et Guillermo Del Toro.
Et pourtant, à l'instar de Jeff Nichols avec Spielby ou encore de Christopher Nolan avec Stalney Kubrick, Bayona semble assidument s'inscrire dans leur glorieux pas à chaque nouvel essai, tout en démontrant la puissance d'un cinéma de plus en plus passionnant à suivre.
À son tour, et alors que Spielberg s'est injustement cassé la binette cet été avec le brillant Le BGG - Le Bon Gros Géant, le cinéaste espagnol offre sa vision d'un fantastique aussi complexe que sincère, au sein d'un drame familial déchirant et beau à en crever.


Après L'Orphelinat, qui était son " L'Echine du Diable ", il fait cette fois de son Quelques Minutes Après Minuit, le digne héritier du chef-d'oeuvre Le Labyrinthe de Pan, qui vient tout récemment de souffler ses dix bougies.


Tout comme le mgicien mexicain, il profite de son adaptation du roman de Patrick Ness, pour mieux revenir aux sources du conte en épousant amoureusement sa part d'ombre, par le prisme de l'histoire douloureuse du jeune Conor, garçon renfermé dont la mère est gravement malade.
Convoquant brillamment le fantastique par le biais de l'imaginaire (à la fois refuge et siège de réflexion pour le jeune héros), et filmé à hauteur d'enfants, le film croque l'initiation à la dure d'un gamin confronté à la maladie et l'angoisse terrible de la séparation, hanté par le spectre macabre d'une mort qui n'est jamais très loin.


Perturbé par une vérité injuste engoncée dans une réalité autant cruelle que menaçante ( de ses camarades de classe aux maux de sa mère, en passant par une grand-mère rigide et autoritaire), il va devoir, par la force de sa florissante imagination (qui donnera naissance à un monstre conteur d'histoires, chacune ayant des vertus formatrices pour Conor), surpasser ses peurs et accepter l'inacceptable pour quitter, non sans heurts, l'innocence d'une enfance qu'il a perdue pour toujours.
D'une densité incroyable, joliment référencé, maniant l'universel et le singulier avec un humanisme renversant, Bayona fait de A Monster Call - titre en v.o - une bouleversante chronique sur l'amour familial (ici la complicité unique entre une mère et son fils) et la préparation au deuil (accentuer par la figure hautement primordiale, des grands-parents), doublé d'une vision délicate sur le pouvoir de l'imaginaire (autant rempart qu'allié pour appréhender la dureté du monde réel) et l'expérience enfantine (à la fois sublime et traumatisante pour Conor).


Drame intime d'une élégance et d'une justesse folle jusque dans son final à l'ambiguïté séduisante, formidablement interprété (de la révélation Lewis MacDougall à la douce Felicity Jones, en passant par une Sigourney Weaver littéralement ressuscitée, tout le casting frôle la perfection) et mis en scène, le film est sans contestation possible, un classique instantané; un bijou à l'état brut qui donne les larmes aux yeux, concocté par un cinéaste de génie en complet état de grâce.


N'ayons pas peur des mots, l'élève a rejoint déjà ses maitres...


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2017/01/critique-quelques-minutes-apres-minuit.html

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le 10 mars 2017

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