Conclusion foireuse d'une franchise en perdition

Comment les deux réalisateurs ont-ils pu flinguer leur œuvre de la sorte ? C’est la question que je me suis posée après avoir vu le troisième film. Et pour cause, Jaume Balagueró et Paco Plaza avait su redéfinir ce qu’était le cinéma d’horreur avec [REC], un film diablement efficace qui renvoyait Le projet Blair Witch au royaume des Bisounours. Jusqu’à ce qu’ils décident de poursuivre l’aventure. À commencer par une première suite, sobrement intitulée [REC]², toujours aussi efficace mais qui se perdait dans un scénario rocambolesque tentant d’expliquer la cause de l’infection alors qu’il n’y avait pas besoin de le faire. Enfin, les deux cinéastes se sont séparés pour faire chacun de leur côté un ultime opus afin de parachever leur franchise. En 2012, Plaza livrait un [REC]3 : Génésis à la ramasse et ridicule au possible, faisant honte au tout premier opus. De quoi appréhender ce [REC]4 : Apocalypse, réalisé par Balagueró, conclusion d’une saga en sérieuse perte de vitesse.


Dès le visionnage de la bande-annonce du film, quelque chose n’allait pas : sa mise en scène. En effet, [REC]4 suit sans pudeur les traces de son prédécesseur en envoyant valser le found footage qui faisait pourtant le sel des deux premiers opus, revenant à un style de film plus traditionnel. S’il ne fait pas la même erreur que Génésis (qui changeait de mise en scène en cours de route sans réelle raison artistique) en arborant ce parti pris dès le début, ce quatrième opus fait perdre au titre tout son sens, étant donné que nous n’avons plus l’impression de voir une vidéo filmée sur le fait, synonyme de réalisme pur et dur. L’histoire a beau prendre place après les événements du second épisode et suivre de nouveau la journaliste Angela Vidal, il n’y a plus rien de [REC] dans ce projet. Juste un banal film d’horreur suivant une bande de personne tentant de survivre à des infectés sur un bateau en pleine mer (bonjour le script de série B !).


Au moins, il faut reconnaître deux choses à ce [REC]4 qui lui permettent d’être un niveau au-dessus du troisième film. Premièrement ses effets gores, bien plus réussis et suffisamment mis en valeur par les séquences du film. Et enfin son retour à une ambiance beaucoup plus sérieuse, bien loin du délire foireux qu’était Génésis. Malheureusement, cela ne se montre pas suffisant pour faire oublier tout le reste, qui cumule défaut après défaut. Que ce soit le grotesque du scénario ou bien des comédiens incroyablement risibles, il n’y a rien qui puisse faire de ce [REC]4 un divertissement horrifique potable parvenant à amuser l’assistance. Juste une immense bouffonnerie certes rythmée mais ne dépassant jamais ses allures de film amateur, se voulant par moment spectaculaire (la scène final sur le pont du bateau, le titre mettant en avant une apocalypse…) sans y parvenir une seule seconde. Mais ce n’est pas ça le pire.


Le gros défaut de [REC]4, c’est irrémédiablement sa mise en scène. Qu’il abandonne le found footage, pourquoi pas au final ! Du moment que cela soit justifié et que ça serve le film en lui-même. Non seulement le changement s’effectue de manière gratuite (comme expliqué précédemment), mais en plus, cela donne au long-métrage des airs de projet bâclé. D’un côté nous avons une image de bien piètre qualité devant se contenter de lumières criardes et agressives pour la rétine, de l’autre des séquences d’action illisibles à cause d’un montage hystérique et d’une caméra partant dans tous les sens (honnêtement, il est très difficile de suivre ce qui se passe à l’écran). Les films tournés en found footage sont beaucoup plus appréciables à regarder, c’est pour dire !


Hormis l’appât du gain et du succès, je ne comprends toujours pas pourquoi les réalisateurs ne se sont pas contenter de [REC] premier du nom au lieu de lui faire un doigt d’honneur en de la sorte. Même si avec ce [REC]4 nous pouvons dire « c’est enfin terminé », il y a de quoi regretter l’existence de cette franchise et de remarquer que les studios hollywoodiens ne sont pas les seuls à user la corde jusqu’au bout, au point de livrer des long-métrage indigeste et n’ayant aucune raison d’être. Navrant…

sebastiendecocq
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le 18 nov. 2015

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