Parfois, il y a des choses qu’on découvre sans impression particulière, ni positive ni négative, mais qu’on redécouvre et qu’on finit par adorer ou détester… Un peu comme ces chansons à la radio qui nous laissent indifférent.es au début, puis qu’on ne peut plus supporter au bout d’un mois.
C’est un peu ce qui m’est arrivé avec « Reaching for the Moon » : quand j’ai vu le film pour la première fois, je l’ai apprécié, c’est tout. Pas d’excitation, ni de grande révélation. Puis les semaines ont passé et j’ai réalisé que le personnage d’Elizabeth Bishop m’avait vraiment marquée, j’y pensais, et j’y repensais, sans trop comprendre pourquoi. Alors je l’ai revu. Et j’ai compris.


Je l’ai vu, revu. Encore. Et encore.


Le nombre de films marquants et touchants est assez élevé dans ma vie, ainsi il m’est difficile d’évoquer une œuvre comme « mon film préféré ». Cependant, je peux l’écrire aujourd’hui, « Reaching for the Moon » est mon film préféré. Il m’a séduit au fil des visionnages, je l’ai appréhendé et compris. Je l’ai vu tant de fois que je le connais par cœur, mais je découvre toujours des petites choses, je vais toujours plus loin dans sa réflexion, son analyse et ses émotions. Il m’emporte toujours un peu plus loin, et me rapproche de sa simplicité.


Ce film est simple, oui. Simple, sincère, beau et poétique. Sans grande prouesse, Bruno Barreto nous peint la vie, mais surtout les états d’âme d’Elizabeth Bishop, à travers sa poésie et l’amour de sa vie, Lota de Macedo Soares. Sans le présenter ni comme un biopic, ni comme un film lesbien, il parvient à dresser un très beau tableau d’une étape de la vie de la poétesse. Pour cela, il a certes choisi le prisme affectif, puisque la relation entre Elizabeth et Lota est centrale, mais ce film est bien plus qu’une histoire d’amour… C’est une histoire d’amour, certes (et très belle !), mais aussi une sincère réflexion sur la portée des mots, l’engagement politique, la dépendance, la jalousie, l’exil, le choc culturel et la difficulté d’être entendue en tant que poétesse(s).


Il y a une phrase dans une chanson de Cassia Eller qui illustre assez bien la philosophie de Reaching for the Moon : « Eu sou poeta e não aprendi a amar » (Je suis poétesse et je n’ai pas appris à aimer »). En effet, le film montre assez clairement la difficulté d’Elizabeth Bishop à exprimer son amour pour Lota dans son quotidien, à l’inverse de ce qu’elle écrit dans sa poésie. Cette contradiction passe principalement par la perception de Lota derrière les traits d’un personnage égoïste et décalé.


Ce film est bien filmé, bien réalisé, les comédien.nes sont bon.nes (sans être époustouflant.es, ielles incarnent bien les émotions de leurs personnages), la musique est très belle et l’ambiance générale nous plonge assez vite dans les années 1950 brésiliennes. C’est cependant l’authenticité du scénario qui m’a le plus touchée : l’histoire narrée d’une grande poétesse, de son amour pour un pays qui l’a accueillie et pour une femme qui l’aima toute sa vie…


Et, évidemment, Gloria Pires apporte beaucoup au personnage de Lota et réalise le fantasme de, je pense, beaucoup de lesbiennes qui rêvaient de la voir dans un rôle lesbien (en tout cas, elle a réalisé le mien !).

SoyAne
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le 18 juin 2019

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SoyAne

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