Quand il est sorti ce « Red Sparrow », j’avoue que rien de ce qu’il affichait ne m’a donné envie de le voir.
A dire vrai, c’était surtout le pitch qui m’avait refroidi.
Ça avait l’air d’être tellement basique et faussement graveleux que je n’avais pas vu l’intérêt de me déplacer dans l’immédiat.
Et pour être vraiment honnête jusqu’au bout, si ces dernières semaines n’avaient pas été aussi mornes en termes de sortie, je pense que j’aurais fait l’impasse…


Et pourtant regardez : voilà qu’en fin de compte je lui attribue quand même un 5/10 plutôt convenable à ce film…
M’étais-je donc à ce point fourvoyé ?
Bah pas tant que ça en fait. Je dirais même plus que si je devais prendre la seule première demi-heure à part, elle aurait été à elle seule la démonstration de tout ce que je redoutais.


Alors certes c’était propre, mais d’un autre côté c’était surtout plat et chiant.
Tout sonnait un peu comme un artifice froid qu’on a fabriqué pour être au service de Jennifer Lawrence.
Sur un premier plan elle est plongée dans un cadre très naturaliste. Puis dans le cadre suivant on la pomponne. Puis dans le cadre encore d’après on la fait danser. Puis ensuite on la fait crier de douleur. Et puis après tout ça on commence à l’habiller et à la déshabiller à l’envie…


Non vraiment ça ne sentait pas très bon tout ça, surtout qu’à ce moment là du film, il était encore bien difficile d’y voir clair dans les intentions de ce « Red Sparrow ».
Et puis est arrivé le moment gênant. Le moment de la bascule scénaristique pour sortir de la phase d’exposition. Celui de la première « mission » durant laquelle le personnage de Dominika va amorcer sa carrière d’espionne.
Là, le ton a commencé à être donné, et j’avoue que j’ai eu très peur.
Pour le coup, ça avait vraiment des airs de déclinaison fadasse de « Nikita » dont le seul et unique objectif semblait être de faire tourner des scènes salasses et racoleuses à son actrice principale.
Et quand me sont revenues à l’esprit les récentes affaires de la pauvre Jennifer liée à des histoires de photos volées, toute de suite ça m’a donné l’impression de revivre en vrai la situation du personnage de Mima dans « Perfect Blue », prête à tout (et surtout au pire) pour re/dé-construire son image…
Et là, j’avoue que je me suis retrouvé légèrement mal à l’aise à l’encontre de l’actrice.
L’imaginer sombrer dans ce film de plus en plus racoleur juste pour reprendre le contrôle de son corps à l’écran, ça m’attristait profondément, et surtout ça me faisait craindre le pire pour la suite…


Et pourtant, c’est à partir de cette scène là que le film a commencé à apporter le petit quelque-chose qui a permis de totalement changer la donne.
Ce petit quelque-chose, c’est un sens.
Un sens donné à cette histoire d’exposition contraint des corps…
Car oui, progressivement, exposer son corps va devenir pour Dominika l’occasion d’un cheminement ; d’une construction.
Et ce qui est fort dans cette manière de traiter la question, c’est que du dépouillement contraint et forcé, le personnage de Dominika va parvenir à se doter d’une force, voire même va commencer à amorcer une forme d’émancipation.


Bien évidement, difficile de ne pas voir de lien entre le cheminement de Dominika et celui de Jennifer Lawrence elle-même.
En tout cas, un nouveau basculement va finir par s’opérer un bon quart d’heure plus tard, suite encore à une autre scène de nu ; mais ce coup-ci bien plus intéressante et signifiante.
Cette scène d’ailleurs, pour moi, c’est clairement LA scène du film.
C’est la scène où brusquement, on passe d’une situation malsaine gratuite à l’expression significative de la toute puissance érotique de Dominika / Jennifer.


Et à dire vrai, pour moi, c’est vraiment là que commence le film.
On est à trois-quarts d’heure. Il reste encore une heure et demie. Une heure et demie qui, sans être forcément passionnantes, vont néanmoins parvenir à construire une intrigue d’espionnage qui va tenir la route, appuyée par une réalisation sobre et efficace.
Bien évidemment, le fil conducteur reste le parcours émancipatoire de Dominika, et notamment via sa manière d’utiliser (ou pas) son corps pour mieux reprendre possession d’elle-même.
Les pistes ouvertes par l’intrigue sont d’ailleurs loin d’être inintéressantes.
Il y a tout un jeu de « je cède / je ne cède pas / je cède mais à mes conditions » qui a eu le mérite de m’interpeller et de me maintenir en haleine tout le long du film tant j’étais curieux de découvrir la trajectoire choisie par l’héroïne (et surtout pour quelles conséquences).


Au final, au bout de 2h20 de film, j’en suis même venu à tirer deux constatations.
D’une part je trouve dommage que le film se soit ainsi perdu dans une première demi-heure totalement inutile.
Au fond, le passé de Dominika on s’en fout totalement. Toute cette tranche impose un flottement malsain qui relègue le vrai intérêt du sujet derrière des poncifs plats et une imagerie franchement déplacée.
Après tout, on aurait très bien pu commencer directement dans le vif du sujet, c’est-à-dire directement au camp d’entrainement.


Pour le coup ça aurait été plus percutant et plus pertinent. Quand au passif lié à l’oncle, il était aisé de l’introduire par quelques visites au camps et autres flash-backs bien sentis.
Idem, le final aurait gagné à davantage connecter l’intrigue d’espionnage au jeu des corps et des dévoilements, histoire de bien mieux creuser la question ici traitée…


...
Et puis il y a la seconde déduction.
Cette déduction elle consiste à dire que, bien que trop déconnectée selon moi de son propos central, la résolution de l’intrigue est tout de même vraiment bien ficelée.
On boucle la boucle. On parvient quand même à exposer une certaine forme de corrélation entre jeux des corps et jeux de pouvoir (notamment sur les notions d’emprise que l’Etat / la société peut avoir sur l’individu.) Et puis surtout on acte un parti pris formel très sobre et très propre qui se révèle au final très pertinent.


L’un dans l’autre il est donc quand même assez plaisant ce film, mais je garde à l’esprit qu’il n’en est pas moins décousu, parfois maladroit et frustrant.
Pour le coup, je pense qu’il est difficile de l’apprécier en tant que tel.
Par contre, pour qui saura faire le tri, je pense qu’il y a quand même pas mal de bonnes choses à prendre…

Créée

le 7 mai 2018

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