Soudainement, une succession de questions me traverse l'esprit.

Quel est ce titre ? "Renatus... Prof et Obsédé sexuel"

Répétez avec une voix imitant un imitateur qui imite Luchini : "Renatus... Prof et Obsédé sexuel". C'est énorme.

Je ne sais d'où sort ce titre français bidon, sûrement provient-il d'un distributeur TV qui était parvenu à se palucher dessus. Il ne retranscrit pas la polysémie du mot anglais "bosom" - poitrine - qui, accolé à "friend" donne "bosom friend" : l'ami qu'on embrasse contre soi ; l'ami proche, l'ami de coeur... ou plutôt l'ami fétiche.
...
Comme cette soudaine image d'onanisme chez un gratte-couille adipeux me fait froid dans le dos, je trouve ici l'amorce idéale, toute imprégnée de ce René Rupnik.

Alors question à la Jeopardy : "Qui est René Rupnik ?"

Seidl réussit un portrait assez indescriptible qui n'est pas sans rappeler ce que Werner Herzog avait fait avec "Bruno S." ou ce que Gaspard Noé a fait avec "Stéphane Drouot". Il n'y a pas d'informations sur ce René. René la taupe, oui, à la rigueur. Nous le retrouvons pourtant dans Paradis : Foi... Pour le savoir, pour savoir qui est la taupe jaune, nul doute qu'il faille suivre Seidl qui, depuis ses débuts, poursuit les obsessions des êtres seuls.

Pour commencer, je partage un extrait écrit d'une chanson qui a pour objet tacite la défécation, une chanson qui s'intitule : "Delirium de l'être seul" de Eros Necropsique

"Le bruit sourd de mes pas
Hante la pièce vide ;
Je marche lentement
Dans la demi - pénombre.
Je suis seul ici - bas,
Enfermé, cloisonné,
N'ayant personne à qui,
Confier mes états d'être ;
La solitude aiguë
Me rend à demi fou,
M'exile dans un monde
Où règne le chaos.
Je pénètre en mon âme,
Quand la névrose affleure"

Alors Seidl, pour saisir cette marche lente et rituelle au travers des mêmes conduits, des mêmes murs, couloirs, interstices, trottoirs, Seidl fait deux choses essentielles - et nous verrons finalement que c'est ce travail limitatif, a minima et redondant qui va donner à M. Rupnik toute la saveur de sa substantifique moëlle :

1/ Il décadre.

Seidl n'a pas encore trouvé toute l'intelligence naturelle de sa réalisation. Il n'a pas trouvé la manière pour ce qu'il va le propulser dans Dog Days. Cela fait déjà longtemps qu'il tourne, qu'il tâtonne... Et là, il choisit de tâtonner l'être seul en le décadrant... dès que M. Rupnik ouvre la bouche. Gros plan ou plan destiné à rendre petit cette taupe jaune. Dès le court générique, d'emblée, la couleur nous est annoncée : la bande originale est celle de Blanche-Neige (la voluptueuse représentation physique de Senta Berger) et de l'un de ses nains. Restreindre cet être n'est pas tout, ce serait nier les plans lorsque cet être est dans ses normes et codes.

Pour nous, spectateurs qui avons le sentiment de regarder un modeste documentaire Stip-tease, nous subissons les choses qu'il vit, nous y voyons les ténèbres. Le regard médical y verra des symptômes. Mais peu importe la névrose sexuelle, le syndrome de Diogène ou cette aptitude à nier toute réalité, peu importe le malaise et le comique de répétition, René Rupnik est une figure tragi-comique, une sorte de JCVD du nichon et du popo. Il est du genre à expliquer à ses élèves, sans qu'aucun n'arrête sa logorrhée érotique, que le postérieur, c'est comme une poitrine mais sans téton ; que les femmes qui ont des petits seins sont sans carrière et sont plus souvent dépressives. Ses cours de mathématiques sont exclusivement des cours sur les fonctions... perçues alors comme des courbes gracieuses propres à la féminité. Le sein est dérivé de sinus et co-sinus devient le copain, le cousin de la fonction mammaire d'à côté.
A vrai dire dire peu importe les manies et les aller-retours, il est quelque part un être qui comble son existence ainsi, sans que qu'aucun n'impacte sa trajectoire, à la fois pleine de certitude et d'allusions intéressantes au milieu des déchets.

2/ Il enferme.

La majeure partie des scènes sont enfermées. Les seules scènes d'extérieur où M. Rupnik circulent, j'ai eu le sentiment de m'en éloigner, de le perdre avant qu'il ne me revienne comme un élastique dans la face à la scène suivante. C'est donc dans le lieu clos que se manifeste ces sommes maniaques aux marges de la psychose : la perversité. Comme nous l'avons largement évoquée, c'est au tour de l'environnement. Rupnik a des rituels bien précis. Il est en est deux que j'apprécie particulièrement, c'est la nécessité pour lui d'aérer la pièce et d'empiler des magazines trouvés dans les ordures. Ces magazines étrique la pièce, jusqu'à ne plus vivre et on imagine que, lorsque l'odeur ou la place manquera totalement, il sera poussé à partir.

Seidl enferme aussi ses deux personnages : la mère impotente sénile et la taupe jaune. Il les filme un seul à la fois. La mère est filmée dans deux trois actions minimales : marcher, allumer le gaz, casser un verre. Il y a une scène, dans l'ombre, où elle prend la parole, où elle annonce avec lucidité s'inquiéter et de ne pas être en mesure de pouvoir aider son fils. Seulement, son fils est un soldat à la gloire de Senta Berger, la plus belle fonction non linéaire que la nature ait pu mathématiser. Au diable Mutti ! Schneider ! Andress ! Son fils se filme seul, enfermé et suffisant dans un monologue d'élucubrations et de coq-à-l'âne.

Le spectateur, aussi, a une sensation d'asphyxie, une heure durant. Son voyeurisme est depuis longtemps révolu, une fois la demi-heure passée. Pourtant, ce qui est troublant - et s'il doit y avoir un monstre - c'est le spectateur qui ne réagit pas. C'est l'élève en classe qui ne dit rien. C'est la mère qui a accouché. Et, en même temps, M. Rupnik est une autonomie incarnée, tandis que tous les autres personnages ont un besoin constant de quelque chose. Seidl ne dépeint pas. Il révèle qui est cet être sans pantalon, qui marche sans pantalon. Rien de plus, rien de moins... Et si la vie de M. Rupnik tourne autour de très peu d'éléments, c'est à la fois propre au personnage mais c'est également propre à ce que nous comprenions bien qu'il n'y a pas grand chose à chercher dans cette lente digestion cinématographique.

Seidl donne le sentiment d'ouvrir des espaces où l'important n'est pas de savoir comment se mettre ou quoi/comment ressentir. L'important est de savoir comment saisir : quels chemins désagréables devons-nous supporter pour regarder une merde à l'écran ? C'est un acte de préhension cinématographique.

Pour écouler de manière plus gracile cette pénible critique, reprenons la chanson :

"A la noirceur d'ébène,
Dont les parois de chair
Palpitent autour de moi.
Je tombe et tombe encore,
Goulûment aspiré,
Caressé et léché,
Par ce boyau vivant.
Soudain je suis stoppé,
le boyau se resserre,
Doucement me comprime,
Me broie et me disloque.
Le sphincter se relâche
Et me pousse au dehors,

M'expulse, me défèque
Dans la réalité.
Un hurlement d'horreur
Jaillit de mes entrailles ;
Je contracte mon corps,
Ecarquille les yeux.
Je suis à nouveau seul,
Dans la pièce exiguë,
Toujours un peu plus seul,
Toujours un peu plus fou.
Je suis à nouveau seul,
Dans la pièce exiguë,
Je suis à nouveau seul,
Je suis à nouveau seul..."

Revenons brièvement à notre distributeur TV du début, faut-il supposer qu'il était lui aussi pris entre deux eaux ? Puis il a prononcé ses mots : "Man weiß nicht, ob man lachen oder weinen soll." (On ne sait si l'on doit rire ou pleurer)

... Alors je me suis paluché.

Créée

le 2 févr. 2014

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Andy Capet

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