Et si Jacques Tourneur avait décidé de nous faire peur. Comme toute experience digne d'être montée sur les bobines, il faut à l'entrepreneur d'un film la volonté d'écrire et de composer un scénario. Avec le Rendez-vous de la peur, le moins qu'on puisse dire, c'est que le spectateur se voit offrir un faux semblant de parcours démoniaque et diabolique à travers les élucubrations d'un sataniste, à travers sa recherche de runes antiques.

L'idée avait beaucoup pour plaire, à cette époque dans laquelle le cinéma américain cherche à faire peur. Mais comment, alors, faire peur au cinéma ? Les sorcières se transforment ici en un sataniste opportuniste qui profite des découvertes de forces subalternes lui permettant d'avoir une influence toute puissante sur les comportements de ses pairs.
On voudrait donc faire peur dans ce film en montrant les dérives morales d'un homme enclin à abuser de son pouvoir exercé sur autrui.

Le problème demeure dans le traitement narratif qui tourne autour d'un détective improvisé (un scientifique ne voulant pas croire au surnaturel - ) se mettant à la recherche des racines de ce méchant gourou, à la fois cocasse et pernicieux, à la foi corrompue. Le film nous en dit plus long sur les dérives d'une société et ses valeurs (pourquoi pas - et là réside peut-être une vertu bien que largement inachevée, puisque la description reste trop caricaturale) que sur comment faire peur au cinéma.

La déception est donc de mise et ceci se dévoile même à partir du titre français du film, alors que l'original, Night/Curse of the Demon, portait en lui les germes d'une autre ambition, tout en dévoilant d'emblée l'issue finale du film : celle d'une histoire se retournant contre le démon.

La facilité d'écriture dans ce scénario - le sort des personnages est scellé dès les premières minutes du film - rend la trajectoire du sataniste et de son antéposé (le héros sauvant la société de l'abus de pouvoir) assez fade et inintéressante. D'autant plus que l'usage excessif d'effets spéciaux parfois mal calibrés ne viennent qu'alourdir un propos inopérant.

Ouvrir des perspectives sur le monde et l'origine de ce pouvoir aurait mérité davantage de créativité dans la composition d'images. Ainsi, on aurait pu rire et avoir vraiment peur... si le démon avait été une tortue, un trombone, un épouvantail.

malocacao
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le 30 sept. 2022

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