Au premier abord, ce film semblait n'aspirer qu'à s'inscrire dans la masse peu inspirée du cinéma français. Probable énième regard sur la jeunesse d'aujourd'hui. Au départ le film souffle effectivement un air de déjà-vu. Le récit trouve rapidement ses propres inspirations et aspirations.
C'est une rencontre de deux histoires de vie marquées qui se fait dans un contexte éloquent. Mélanie Laurent maîtrise entièrement le sujet, lui insuffle force et sincérité. Elle mène aussi tout son casting dans la parfaite direction. Deux jeunes actrices qui aspirent à devenir très grandes, un ensemble d'interprètes qui respire la vie.

La mise en scène est très usuelle, mais néanmoins efficace. Mélanie Laurent utilise des codes très habituels du cinéma français. Repas de famille, scènes de classe, voyage en bus pensif... Cette forme convenue trouve sa dimension dans ses personnalités. La musique est employée sans aucune singularité. Le choix et l'implantation des morceaux sont très prévisibles, pas désagréables pour autant. Le son souligne plutôt inutilement les moments de tension. Dans l'ensemble on écoute et on entend les émotions qu’amène le montage sonore.

"Respire" est essentiellement passionnant dans son scénario, adapté du roman éponyme d'Anne-Sophie Brasme.
Cette histoire est riche dans ses individualités et ses confrontations. C'est surtout une progressive et suffocante explosion des ressentiments. D'une façon presque étouffante, l'arrogance devient de plus en plus provocante.
C'est une vision de la cruauté sans concession et sans légèreté inconvenante. Le sadisme et le harcèlement sont très poussés, à la limite de la caricature, ce qui nous provoque une empathie naturelle pour Charlie.

Révélation du film, Joséphine Japy incarne très bien la délicatesse de son rôle. Suave et douce, comme si on retrouvait Virginie Ledoyen aux traits juvéniles. Elle se confronte à un tempérament inverse. Lou de Laâge aussi est remarquable. Elle est une Sarah défiante, virulente, paumée. Ce binôme fait naturellement des étincelles.
L'alternance entre moments de grande complicité et de malaises est forte. Charlie est complètement manipulée par Sarah et son humeur, plus qu'inconstante. Une relation passionnelle en somme.

"Respire" commence sur une engueulade entre les parents de Charlie. Sa mère, excellente Isabelle Carré, n'a de cesse d'éprouver haine puis amour pour son mari; cela fait écho à la pugnace admiration que porte sa fille pour son amie.
Ce procédé qu'on pourrait appelé de "double-fond" est très utilisé dans ce scénario. Beaucoup de scènes sobres et de dialogues simples construisent le récit. Par exemple, le débat philosophique sur la passion (qui manque un peu de naturel) annonce l'essence des échanges qui vont suivre. Beaucoup d’éléments qui peuvent paraître inutiles mais qui alimentent l'univers des protagonistes avec authenticité.

A l'ombre des jeunes filles en fleur, des actrices qui ne déméritent pas. Claire Keim est plutôt surprenante, pas mauvaise du tout. L'apparition de Carole Franck est renversante. En femme brisée, Isabelle Carré est fabuleuse.

Mélanie Laurent signe assez humblement le portrait d'une adolescence qui expire. "Respire" ne s'essouffle pas mais au contraire prend le pouls montant d'une jeunesse vache puis cruelle, mais surtout malmenée. Poignant !
adamkesher01
7
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le 23 nov. 2014

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Adam Kesher

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