Luhrmann, "Je vois que Reine Mab t'a rendu visite..."

Audacieux. Osé. Captivant. Magnifique. Une pure merveille. Reprendre l'oeuvre mythique de Shakespeare, en garder le phrasé et le transposer dans un tableau actuel...il fallait oser. Si la toute première scène peut clairement dérouter par son aspect loufoque, complètement déjanté et à la limite de la caricature de mauvais goût, elle se révèle finalement, à l'image du film, superbement maîtrisée et plaisante. Parce que ce qui fait le charme de ce film, c'est incontestablement la folie dont il fait preuve et qui, par contraste, donne tout son sens au tragique de la trame. Notons également que même si elles semblent se détacher allègrement de l'ambiance originelle de la pièce de Shakespeare, l'esthétique et l'essence du film restent éminamment théâtrale. De fait, tout est intense et à la limite du "too much" dans ce film. Que ce soit dans le jeu des acteurs, dans leur attitude, dans leur aspect physique (ou psychologique), dans les décors, la mise en scène...tout est exacerbé. Et les sentiments, de surcroît. Et c'est ce qui donne sa force au film, à l'intrigue. L'esthétique déjantée du film tend à souligner, par effet de contraste, la noirceur du scénario, de la trame. On entre d'abord dans un univers très décalé, voire caricatural, puis on glisse petit à petit dans le tragique, et l'émotion pure. On croit à cette histoire. On croit en l'amour des deux jeunes enfants. Et on s'attache à eux, à leur sort. Le drame qui est le leur nous touche et nous embarque. A tel point, que même en connaissant le dénouement, on reste troublé et bouleversé par la fin de cette belle histoire. Coup de coeur pour les personnages de Mercutio et de Romeo.