Se promenant dans son atelier aux murs rouges, Yves Saint-Laurent lit une lettre de son ami Andy Warhol. Nous voyageons parmi les vêtements exposés avant de nous attarder sur ce personnage qui viendra se positionner devant la fenêtre se confondant ainsi avec les mannequins immobiles derrière sa vitrine.
Yves Saint-Laurent c'est avant tout l'image de la libération vestimentaire de la femme, mais c'est aussi la passion du corps. Le styliste nous sera montré sous toutes les coutures notamment par le biais des miroirs reflétant cette obsession maladive pour la silhouette humaine et notamment féminine. Il se plaint de travailler mais c'est cette besogne qui lui évite encore de plonger dans des abus pouvant déformer sa silhouette. Cependant Bonello n'hésitera pas à nous dévoiler ce corps dans toutes les positions et les états possibles : alcoolisé, drogué et dans les positions sexuelles les plus suggestives. Cette passion du corps que nous transmet Bonello est malsaine et perverse. Saint-Laurent n'est réduit qu'à de la chaire jetée en pâture au lecteur de Paris Match. Sa vie sexuelle primera sur l'importance de son œuvre.
Bonello est l'archétype du réalisateur détruisant les mythes pour les réduire aux conditions les plus humaines. Saint-Laurent n'a pas non plus la vie inoubliable qu'on rêve tous de voir pendant 2 h 30 au cinéma. Si la plupart des gens le considèrent comme le libérateur de la femme, Bonello le dresse en oppresseur violent n'hésitant pas à virer les femmes ayant avorté. Les éloges sur le couturier ne sont dites que par ses amis ou par des publicités. Pierre Berger n'hésite pas à faire toutes les louanges possibles et imaginables pour vendre aux américains. Bonello représente des femmes soumises n'ayant que la liberté de s'habiller. Lors de la négociation de contrat entre Pierre Berger et les américains, la traductrice n'aura pour rôle que de répéter ce que disent les hommes, mais au moins elle est bien vêtue. Les mannequins quant à elles seront déshumanisées. Leurs noms seront oubliés pour laisser place à des numéros. Leurs silhouettes seront scrutées et mesurées sans arrêt. Le corps de la femme est oppressé, digne d'aucune liberté, sauf celui d'acheter des vêtements provoquant et donc synonyme de liberté. Ce ne sont que des marionnettes éloignées des préoccupations politiques de l'époque par une bande noire des actualités politiques entre 1968 et 1972. Ce split-screen à ambition elliptique, opposant l'ivresse de l'affrontement et le totalitarisme de la mode, souligne ici que le combat pour la liberté se situe ailleurs.
L'image archétypale de Saint-Laurent comme libérateur de la femme est détruite. Bonello le montre plus humain, plus faible. Il est réduit à des passions basiques. La ménagère de plus de 40 ans sera enfin contente de voir les polémiques de Voici prendre vie dans un film. Mais nous pouvons encore nous demander si nous avons été spectateur d'une vile humiliation publique ou d'un film d'auteur s'étant égaré en chemin.
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