L'année 2014 aura vue l'apparition consécutive de deux biopics consacrés au couturier Yves Saint Laurent. Sorti le premier et bénéficiant de l'aval de Pierre Bergé, le film signé Jalil Lespert remportera la bataille en ce qui concerne le box-office. Celui de Bertrand Bonello, sorti plus tard et peut-être moins accessible, dénigré par Bergé qui n'y verra qu'une oeuvre homophobe et illégitime, fera moins d'entrée et divisera la critique.


Loin de tout académisme, Saint Laurent s'éloigne du biopic classique et réaliste pour privilégier une approche plus sensitive, moins linéaire. Jouant avec la temporalité et l'image de son sujet, Bertrand Bonello fantasme plus qu'il ne décrit, livre sa propre vision d'un personnage ô combien énigmatique, visiblement décidé à conserver coûte que coûte l'aura de mystère qui en fait sa force.


Soignant son cadre et donnant naissance à une union parfaite entre le son et l'image, comme il l'avait déjà fait avec L'apollonide, le cinéaste signe une oeuvre à la beauté picturale indéniable. Les décors, les costumes, le travail sur le cadre, la couleur et la bande son contribuent à faire de cet instantané un objet aussi envoûtant que déroutant. Car si Saint Laurent est un bel objet fascinant, il peut également laisser de marbre, tant il reste à la surface des choses et ne brosse jamais le spectateur dans le sens du poil.


Silhouette longiligne dont on ne saura finalement jamais rien, sorte de spectre évoluant au milieu d'autres formes encore plus indistinctes, Gaspard Ulliel trouve à n'en point douter le rôle de sa vie, compose un Saint Laurent à la fois touchant, maniéré et irritant, indéchiffrable créateur de génie alimentant tous les fantasmes. Dommage qu'a ses côtés le reste du casting peine à exister, la faute principalement à des personnages un peu vides.


Objet tour à tour hypnotique, envoûtant, long, distancié, sublime, froid ou même poseur, Saint Laurent est un film qui ne plaira pas à tout le monde mais qui, de toute façon, ne cherche pas à plaire. Une oeuvre difficile d'accès mais qui recèle en elle quelque chose d'inexplicable, un mélange de beauté, de fragilité, et grâce infinie.

Gand-Alf
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le 12 sept. 2015

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