Un couple d’écossais, la quarantaine, vit en pleine forêt, dans une sorte de cavité sous un gros tronc d'arbre abattu. John (Paul Higgins) pose quelques collets, mais il chasse et pêche également à mains nues (avec plus ou moins de bonheur) et fait du feu comme un homme des cavernes. Le lieu n’est pas situé, mais nous sommes en France (tournage dans les Pyrénées) à une date non précisée, mais à notre époque (certitude avec un avion qui laisse une trainée dans le ciel, puis avec le passage de John dans une pharmacie). Pourquoi une pharmacie ? Parce que sa compagne, Karen (Kate Dickie) a une méchante piqûre d’araignée. A cette occasion, on réalise que John est connu dans le coin (le pharmacien lui donne ce dont il a besoin de bon cœur). On devine que John et Karen ont d’abord vécu dans une maison, même si on n’a aucune idée de leur activité. Pourquoi se sont-ils repliés dans ce trou en pleine forêt ? Là aussi, on devine que c’est à la suite d’un drame familial. Le premier indice est dans le dialogue (réduit au strict nécessaire) entre John et Karen, puis dans une activité manuelle de cette dernière. Karen est plus qu’affectée par ce qui s’est passé. Traumatisée, elle se replie sur elle-même, guettée par la folie. Elle ne sort que rarement de la grotte où elle passe le plus clair de son temps assise ou couchée, ce qui fait qu’elle éprouve de grandes difficultés à se redresser quand elle sort. John est bien mieux psychologiquement. Au village, bien que furtif, il dialogue un peu avec les gens du coin. Il accepte ainsi une approche d’André (Jérôme Kircher), un agriculteur avec qui il devient ami. Celui-ci lui donne ce qu’il peut et va jusqu’à lui proposer de la nourriture et un hébergement qui permettrait de passer l’hiver (très rude dans la région) à l’abri. Cette proposition n’est pas sans contrarier sa femme Céline (Corinne Masiero) qui l’incite à ne plus s’occuper de ce couple à la dérive. Pour quelle(s) raison(s), on l’apprendra plus tard.


Ce long métrage, le deuxième du belge Tom Geens mérite la découverte bien qu'il ne tienne pas toutes ses promesses, peut-être un peu trop ambitieuses pour un petit budget. L'affiche reprend rien moins que Adam et Eve (1526), huile sur toile de Luchas Cranach l'ancien :


https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/04/Adam_and_Eve_%28UK_CIA_P-1947-LF-77%29.jpg


Le début du film montre bien un couple retiré en pleine nature. Mais, bien vite, l'époque se rappelle à eux et leur proximité de la civilisation leur enlève la possibilité du retour aux origines espéré. Idem avec le titre original (Couple in a hole) qui fait long feu puisque si le couple se terre dans une sorte de trou, ils ne peuvent évidemment pas s'en contenter. Sauvages n'indique pas que John et Karen ne respectent rien ni personne, juste qu'ils tentent de vivre en autarcie dans la nature protectrice. Enfin, Karen toute décharnée et vieillie avant l'âge fait une bien piètre Eve tentatrice (même si son allure générale colle assez bien avec le modèle du tableau de Cranach).


Toute la première partie qui permet d'observer les conditions de vie du couple en forêt est une réussite (très beaux plans où le vert domine, un peu de brume également). Karen et John pourraient trouver leur place au sein de la faune et de la flore s'ils n'étaient pas si près de la civilisation, aussi bien physiquement que psychologiquement (voir l’épisode de la pharmacie). A partir de ce moment, on réalise progressivement (scénario intéressant) comment et pourquoi John et Karen ont pu en arriver à cette situation. Si Karen fuit désespérément, John ne résiste pas à la possibilité de renouer avec ses semblables.


Le contact avec leurs semblables pourrait apporter le réconfort à ces marginaux, forestiers de circonstances. Ce serait oublier qu'on ne tire jamais un trait sur le passé (leurs comportements, vêtements, souvenirs sont bien du XXIème siècle). Le scénario permet de s'en faire une idée de plus en plus précise. Le final vaut quelques surprises et révélations. Le drame à l'origine de l'état de Karen va trouver un dénouement surprenant.


Ici réalisateur/scénariste, Tom Geens a le mérite de surprendre, même si son film comporte quelques maladresses. Il se montre plus habile à filmer son couple en pleine nature, la naissance d'une amitié voire la psychologie inattendue de ses personnages principaux, qu'à trouver un prolongement pleinement satisfaisant à la situation initiale. La bande-son privilégie les bruits de la nature, tout en faisant monter la tension par moments, avec la musique à tendance électro signée BEAK>. Présenté au festival du film britannique de Dinard, Sauvages y a trusté les trois prix principaux.

Electron
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le 15 avr. 2016

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