Lorsqu'on traite un sujet aussi délicat que la défiguration à travers un drame, il est bon d'avoir une vision. Cette histoire peut interpeller chacun d'entre nous, on est tous attentifs au reflet que l'on renvoie. Mais il faut une certaine adresse pour éviter les pièges de ces histoires de combats humains et de la tonalité grave qu'elles impliquent. Parmi eux : vouloir susciter l'émotion à tout prix. Avec l'aide d'outils cinématographiques courants, l'oeuvre peut alors rapidement adopter alors une démarche maladroite, voire malhonnête. Je parle ici de la musique lancinante qui grossit le trait de scènes déjà difficiles à voir. Placer un piano tristounet dès l'instant où l'on voit Franck en souffrance n'a rien d'inspiré et personnellement ça a tendance a me sortir du film.


Et on en vient à l'autre écueil de Sauver ou périr qui réside dans ce ton monocorde. Dans la vie, même lorsqu'on est au plus bas, il y a de la lumière. Le film s'attarde sur la souffrance, oui, mais prenez Patients. L'oeuvre sur l'accident de Grand Corps Malade a la présence d'esprit de parler de la vie qui irrigue ces lieux de mort. C'est elle qui donne à la fois l'espoir et rend les moments d'abandons... d'autant plus difficiles. C'est ce qui m'avait dérangé dans La Loi du Marché même s'il est bien mieux écrit que le film de Frédéric Tellier : à trop vouloir faire dans le misérabilisme, un auteur peut passer à côté de son message.


D'ailleurs, même dans le témoignage de la douleur, Sauver ou périr est désincarné. On est du point de vue de Franck Pasquier mais on ne fait qu'entrevoir sa souffrance. Qu'on le veuille ou non, il s'agit là d'un film qui convoque le sensoriel et je ne suis pas sûr que ce type d’expérience puisse être bien traité avec distance. Il y avait de quoi nourrir l'aspect subjectif notamment sur des éléments aussi primaires que le rapport à la chair. Reste cette scène du cauchemar qui allait vers la bonne direction en dévoilant un peu plus ce qu'il se passe dans l'esprit de la victime - C'est aussi à ça que sert le cinéma ; pouvoir mettre en image les ressentis les plus intimes - Malheureusement, cette séquence est brève et bien mal exécutée. Le scaphandre et le papillon demeure bien plus pertinent lorsqu'il s'agit d'aborder la perception d'un homme prisonnier de son corps.


Tous les défauts relayés ici n'auraient pas réellement posé problème si le scénario avait été mieux écrit. Il suffit de voir le début du film et la caractérisation des personnages pour se rendre compte que l'histoire est fragile : Franck est pompier et il aime son métier et sa femme. Ok. Le personnage interprété par Pierre Niney est plutôt plat, pire, il est égoïste et cela n'évolue quasiment pas jusqu'à la fin du film. Il me semble que la "clé" du personnage de Franck n'aurait pas dû se résumer à l'acceptation de son corps mais plutôt à son ouverture aux autres. C'est finalement sa femme Cécile, qui va se révéler bien plus intéressante dans son rapport aux événements. Elle va s'en vouloir de penser à elle, et on ne peut que la comprendre. Dommage que le film n'aborde pas son point de vue, cela aurait eu le mérite d'être aussi original que pertinent.


Il demeure malgré tout quelques instants qui se démarquent tels que l'incendie de l'entrepôt ou la scène dans laquelle Franck appelle sa mère tandis qu'il est couvert de bandages. Mais il est bon de rappeler une fois de plus qu'un bel hommage ne donne pas nécessairement un bon film.

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le 9 avr. 2019

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