"Les lois... Sont-elles parfois rétroactives en France ?

- Non naturellement, mais... On peut décider qu'elles le soient."

Ces sections spéciales étaient donc des tribunaux d'exception, chargés, sous Vichy des représailles aux attentats commis par les groupes résistants. Ce film narre leur création, après l'assassinat d'un officier de la marine allemande par de jeunes communistes.

Toute la servilité des gouvernants d'alors est résumée dans cette scène où, l'officier de la Werhmacht, recevant les envoyés du gouvernement français lui énumérant les mesures prises, s'étonne de voir ceux-ci fouler au pied les principes fondamentaux de leur propre système juridique.

C'est sur les motivations des autorités à collaborer ainsi qu'interroge Gavras : l'ambition habituelle de politiciens carriéristes ou la volonté d'éviter l'exécution d'otages (réclamée par Hitler) ?
Ici la seconde raison sert surtout d'alibi à la première, et à faire plus facilement accepter à une institution judiciaire indépendante et chargée de traditions une loi aussi contraire à ses principes - exercice difficile, même lorsque l'on s'efforce de rassembler la lie de la magistrature.
Les gouvernants tâchent donc de plaire à leurs nouveaux maîtres, un rien perplexes devant tant d'empressement, tandis que les basses œuvres sont exécutées dans la pudeur d'un procès à huis clos.

La grande force de ce film est certainement d'être plus dans la description que dans la dénonciation : à travers ses personnages et leurs dilemmes moraux, Gavras parvient à faire ressentir au spectateur ce que cela pouvait être que de commettre des attentats, d'être satisfait du régime de Vichy et de faire son sale boulot, d'en être une victime, ou encore d'y continuer sa vie malgré tout, animé d'une certaine confiance en Pétain.

Ce dernier, à la fois personnage principal et grand absent - son visage n'est jamais filmé, bien loin d'un Hitler furieux, apparaît comme conciliant et mesuré, et laisse à d'autres le soin de jouer le mauvais rôle. Pourtant, entre les renoncements des uns et les mensonges des autres, c'est bien son arbitraire qui se dessine et qui s'impose finalement à tous.
Firmin
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le 2 sept. 2011

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