A chaque visionnage d’un film de Budd Boetticher - ça me provoque à peu près à chaque fois le même effet avec un André de Toth - j’ai l’impression de retrouver tout ce qui fait l’essence de la série B dans le sens noble du terme. La série B avec un grand A en quelques sortes…


Tout est rassemblé pour donner un effet immédiat de quintessence. Le western genre phare américain, est probablement celui que ce réalisateur habile a le plus marqué de son empreinte. Quand le héros apparaît à l’écran, il le fait brusquement et imprime immédiatement sa marque. Un peu à la manière du John Wayne de Stagecoach, dont Ford fige l’image sèchement, lorsqu’il s’incruste au centre du plan en s’imposant par un geste, une posture.


Les paysages sont éminemment "westerniens", tout le folklore s’y trouve. Les chevauchées à travers des plaines arides, cow-boys-cheval, la tasse de café autour d’un feu de camps, desperados à la mine patibulaire. Le schéma narratif est rapidement mis en évidence, et sous une apparente simplicité que l’on pourrait assimiler à du simplisme, ce construit pas à pas une intrigue bien plus complexe et ambigüe que ses attraits initiaux pouvaient laisser croire.


Randolph Scott est à Boetticher, ce que le Duke fût pour Ford, Errol Flynn pour Walsh ou James Stewart pour Anthony Mann. 7 collaborations, 7 westerns. Une union qui aura marqué le genre de son empreinte la plus fameuse. Seven Men From Now, titre un peu moins directif et plus complexe que sa traduction française, est la premier de cette fameuse série qui représentera pour certains critiques, ce qui se fait de mieux dans le genre.


Dans Seven Men From Now, Scott interprète Ben Stride, un nom à la consonance directe et saillante, comme à peu près tous les personnages du film. Il pénètre dans une grotte, une nuit d’orage, partage une tasse de café avec deux hommes que la mise en scène subtile de Boetticher catégorise d’emblée comme suspects, une discussion s’engage, trois minutes plus tard, les colts se mettent à chanter en hors champs, pas besoin d’explication à rallonge, tout est déjà en place. En une séquence fulgurante habilement construite, et avec une grande simplicité, car oui la simplicité et non le simplisme…, est une gageure que seuls les plus grands réalisateurs savent utiliser.


S’en suivra une intrigue dont la vengeance est un fil conducteur qui partant d’une évidence enchaînera les ambigüités et une forme de complexité que l’on peut aisément assimiler à de la dramaturgie. La fameuse et inévitable héroïne, que l’adolescent découvrant son premier western dans la Dernière Séance du mardi soir, fantasme secrètement d’embrasser…, ici la ravissante Gail Russell, au regard de braise, splendeur féminine qui éclaire la nuit et donne aux principaux protagonistes une raison, probablement l’unique depuis le début, de s’affronter dans le fameux duel "westernien", est ici remarquablement interprétée.


Reste le méchant que le héros finit par affronter dans une sorte de logique inhérente. Il est ici interprété par un Lee Marvin encore jeune qui s’impose déjà avec sa « gueule », dans un rôle proche de celui qu’il interprétera plus tard dans l’extraordinaire Liberty Valance de Ford.


Le schéma narratif, d’une complexité plus relative qu’apparente n’aura qu’à dérouler dans une sorte de logique dont les principaux attraits, une magnifique photographie, un script signé Burt Kennedy, futur réalisateur plutôt habile, qui signe ici son premier scénario, des personnages forts qui s’imposent autant par leur charisme que par leur âpreté, une égérie féminine dont les loups n’ont que d’yeux, et au final le langage des colts qui finit par régler les comptes et faire rentrer les choses dans l’ordre. Le langage du western dans toute sa simplicité apparente, cachant des complexités qui donneront à ce genre ses plus beaux fleurons et sa future mort programmée.


Avec toujours cette idée, pour le jeune cinéphile qui près d’un demi-siècle plus tard redécouvre encore les fameux titres, comme des livres, un Boetticher avec Randolph Scott, que le western est un monde merveilleux et qu’il répond à ma demande croissante d’évasion et d’exotisme.

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le 9 sept. 2020

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