Verhoeven vient d'etre rehabilite grace au recent Elle. C'est a la lumiere de cette gloire retrouvee que les critiques se sont jetes de nouveau sur son film le plus decrie et le plus hai au moment de sa sortie. La relecture de showgirls avait ete initiee par Jacques Rivette en 1998 qui en parlait en des termes etonament elogieux mais elle atteint aujourd'hui son paroxysme, on ne cesse donc de lire dans la presse specialisee, combien ce film, avec le recul est finalement un chef d'oeuvre. L'exemple le plus frappant etant la mise en parallele de la critique de Frederic Bonnaud dans les Inrocks en 1995 :


http://www.lesinrocks.com/cinema/films-a-l-affiche/show-girls/


avec celle de Jean-Marc Lalanne, toujours dans le meme magazine, 21 ans apres :


http://www.lesinrocks.com/2016/09/14/cinema/showgirls-de-paul-verhoeven-11862997/.


Les deux disent la meme chose : le film est laid et outrancier, mais dans les annees 90, cela lui vaut d'etre qualifie de nanar et dans les annees 2010, ces attributs lui conferent une aura de chef-d'oeuvre.
Effectivement, le film est laid, tres laid meme, mention speciale a sa BO particulierement degueulasse qui fait le plus gros du travail pour rendre ce film inesthetique : boite a rythmes criardes, saxos ringards et boucles aux synthetiseurs piochees dans les poubelles des chutes de studio des eighties. Mais elle n'est pas la seule a enlaidir le film, les choregraphies des scenes de danse que cela soit en strip-clubs ou dans les grands shows d'hotels reussissent la prouesse d'etre vulgaires sans etre sulfureuses, d'etre survoltees et bouillantes tout en restant etonnament froides et figees. A cela, il faut ajouter un scenario stupide auquel viennent s'accrocher des dialogues lourds, tout en punchlines plates. Il serait injuste de ne pas mentionner les acteurs et leur direction qui finissent d'achever toute once d'elegance tant leur jeu est grossier, binaire et caricatural, zero nuance, deux expressions : la joie, la colere.


Il y aurait donc deux manieres de voir ce film, la premiere et la plus logique est de le decontextualiser de l'oeuvre globale de son realisateur, de l'apprehender comme un objet independant et dans ce cas, il merite le flot de bile verse par ses detracteurs de l'epoque. Showgirls est au porno ce que les revues de cabaret sont aux strip-clubs : une version malhonnete qui donne a voir du "tits and ass" a une categorie de la population qui ne saurait assumer ses desirs lubirques. Cette comparaison nous est d'ailleurs soufflee par James, l'un des perosnnages du film qui donne donc le baton pour battre le film.
La seconde maniere, plus perverse et donc plus verhoevenienne (ok, le neologisme sonne mal) est de le voir comme l'oeuvre ultime de son realisateur. En effet, Verhoeven est fascine par le laid, cela se remarque des ses premiers films, on se souvient dans Turkish Delight des selles ensanglantees d'Olga filmees en gros plan, ou dans le plus recent Black Book de celles deversees sur Carice van Houten. Et donc sous ce prisme, l'on peut penser que Verhoeven a reussit ici un coup de maitre en signant l'un des objets filmiques les plus laids et vains de l'histoire du cinema, decrivant Las Vegas et donc par analogie le reve americain de la maniere la plus sincere qu'il soit : le triomphe de la vacuite et du disgracieux, que vient couronner l'election de Trump, utlime echo a Showgirls . En venant, fait rarissime, recuperer le Grazzie Awards qui lui a ete decerne pour ce film, Verhoeven montre qu'il assume totalement ce parti pris "esthetique".
Ce choix artistique est tellement reussi que Showgirls reste malgre tout un film vain et laid.

BasileRambaud
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le 4 août 2017

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Basile Rambaud

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