Banalisation d'une image négative de la femme dans une structure narrative trop brouillon

Le réalisateur italien Paolo Sorrentino revient en 2018 sur nos écrans avec Silvio et les autres après Les conséquences de l’amour, en compétition à Cannes, ou encore La grande belleza qui obtenu l’Oscar du meilleur film étranger en 2014. C’est également lui qui réalisa la série The Young Pope avec Jude Law. On a donc un cinéaste confirmé alors pourquoi ce Silvio et les autres ?


Toni Servillo (La Belle Endormie avec Isabelle Huppert ou encore La grande belleza) interprète le rôle-titre, celui de Silvio Berlusconi. Sa femme, Veronica Lario est campée par Elena Sofia Ricci (Tout est fini entre nous avec Richard Berry, Le Premier qui l’a dit). Enfin, on peut noter la présence de Riccardo Scamarcio (John Wick 2, Polisse, Dalida) en tant que Sergio Moira.


Silvio et les autres est donc un biopic à mi-chemin entre réalité et fiction de Silvio Berlusconi, personnage public italien qui marqua son pays et le monde entier par sa puissance médiatique et politique mais surtout par ses déboires judiciaires et personnels. Il faut noter qu’en Italie, le film fût découpé en deux parties de 104 et 100 minutes chacune formant ainsi un film global de 3h24. En France, Silvio et les autres est sorti en une seule partie de 2h38.


Ce choix de distribution française est à mon sens une mauvaise idée. Le film devait être plus digeste en Italie puisque ce sont deux parties plus courtes or en France, nous avons dû affronter 2h38 de réel calvaire.
Le gros problème réside dans le fait que l’histoire n’est tout simplement pas structurée et passe du coq à l’âne sans arrêt, sans explication. Par exemple, on commence le film avec une trentaine de minutes centrées sur le personnage de Sergio puis on passe à l’introduction de Silvio pour revenir un peu à Sergio qui rencontre enfin ce dernier et ensuite on ne le voit plus du tout. Bref, l’histoire en ressort très brouillon et ne réussit pas à capter l’attention du spectateur avec de beaux dialogues. Non non, le regard est attiré sur l’écran à cause de la représentation sulfureuse que Sorrentino attribue aux femmes.
Les actions de ces dernières ne sont réduites qu’en fonction des désirs masculins. Toutes sont montrées en tant que « bimbos » (terme utilisé dans le film) exhibitionnistes et accros à la cocaïne. Seules la femme de Silvio et Stella semblent sensées or ce contre portrait féminin n’arrive pas à justifier la pullulation des autres femmes vulgarisées. Silvio et les autres renvoi une image de la femme ultra-dégradante et c’est ce point précis qui m’a le plus déplu. Le film en devient presque dangereux car il ne met pas en place de filtre ou de portrait nuancé. Toutes les scènes de sexe ne reflètent pas le désir féminin mais seulement celui des hommes. On a également la présence de relations lesbiennes, et non gays, pour encore combler le fantasme masculin de deux femmes ensembles ; on le voit bien dans une scène pendant la soirée chez Silvio où il regarde, bien assis dans son fauteuil, des femmes danser et s’embrasser.
En parlant de Silvio, ses déboires financiers (conflits d’intérêts, achat de politiques) et sexuels (nombreuses amantes dont mineures) sont clairement énoncés dans le film or le personnage n’est jamais condamné et est même parfois montré en victime ou bienveillant. J’ai en tête l’exemple de la scène dans le camp de sinistrés après le tremblement de terre où il apparaît comme véritablement salvateur en aidant le peuple italien. On comprend ici qu’il tient réellement à son pays mais ce que je regrette dans ce portrait est l’absence de nuance ou de condamnation encore une fois, jamais son comportement n’est remis en question sur les 2h38 du film.
Et puis, ne parlons pas du maquillage de Toni Servillo qui est d’une crédibilité nulle ; on dirait un masque figé de Berlusconi qu’on peut avoir dans un magasin de farce et attrape, et donc sans réelles expressions sauf un énorme sourire malaisant.
Malgré tous ces points négatifs, on peut concéder au film une belle photographie avec de beaux moments de mise en scène et belles images, comme par exemple la « pluie » de pilules pendant la soirée dans la villa ou encore la nuée de papillon qui entoure Silvio.

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le 7 nov. 2018

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