Sans m’en rendre compte, j’ai découvert David Gordon Green en empruntant le mauvais chemin ; avec ”Votre Majesté” je ne me suis nullement intéressé au nom du réalisateur, comme dans le ”Délire Express” qui ne m’avait pas convaincu. Je l’ai véritablement rencontré par l’intermédiaire de ”Joe” qui m’a donné envie de nager rapidement vers ”L’Autre Rive” afin d’aller contempler ”Snow Angels”, dont voici leur bouleversante histoire…

Snow Angels s’ouvre sur la répétition d’une fanfare scolaire emmitouflée sur un terrain de sport enneigé ; on observe une scène analogique à la légèreté Coen de la remontrance d’un chef d’orchestre envers ses jeunes fanfaristes aux coordinations évasives qui soudainement se figent sur une stupeur sonore… une détonation retentit… les yeux s’arrondissent ; les regards désorientés fouillent vers les bois encerclant le stade… Deuxième coup… Les visages troublés se cherchent frémissant au contact de la brise hivernale… Puis une succession de plans sur la petite ville frigorifiée s’enchainent par des fondus tel un obturateur se refermant sur l’instant afin d’en suspendre les banalités d’un quotidien provincial…

Flash-back… Quelques semaines auparavant…

Nous allons côtoyer trois générations de couple qui se connaissent et se fréquentent par le maillage d’une existence lié à la proximité inhérente d’un village en Pennsylvanie… Arthur, un jeune adolescent à l’oreille musicale, ayant du mal à exprimer ses sentiments, fait la connaissance d’une nouvelle élève douce, sensible et passionnée de photographie. Alors qu’il assiste à la séparation de ses parents, quarantenaires en perte de communication par trop de non-dit et de désirs enfouie, il va tomber amoureux sans s’en rendre compte consciemment, les gestes parlant pour lui, pendant que la fille entreprend les étapes de leur intimité… Ces deux couples d’âges opposés seront le cadre révélateur du déchirement de jeune parent divorcé ; Annie, la mère, ancienne baby-sitter d’Arthur et travaillant ensemble dans un restaurant, essaie de retrouver ses premiers désirs amoureux au bras d’un homme à l’opportunisme volage, tandis que le père, Glenn, vivant chez ses parents faute d’une situation professionnelle stable, se noie dans la Bible pour surmonter ses tourments, tout en cherchant à obtenir une seconde chance auprès d’Annie ; quant à leur petite fille, elle n’est que la malheureuse poupée qui va entretenir cette liaison pleine de rancœur…

Dans la première partie du film, David Gordon Green, prends le temps avec finesse de présenter et laisser coexister ces individus qui se débattent au sein d’une modeste petite ville ; touchés par la précarité du chômage, de boulots sans carriérisme ou de désirs intouchables ; seule la chaleur d’un ami, d’une passion, d’un souvenir ou d’un substitue pouvant embaumer leur vie sous cette poudreuse blafarde cristallisant la pauvreté d’espoirs difficilement saisissables… Les adolescents symbolisent l’insouciance et l’espérance d’une vie heureuse, les jeunes parents, la violence d’une destinée brisée par les coups durs, et le couple plus âgé, le dépit d’illusions gâchées par l’incertitude et le temps… C’est alors qu’un drame marquera les esprits de ces destins croisés tel un électro-choc, précipitant le film dans sa deuxième partie plus dure et froide. Leurs pas vont chercher désespérément une issue salutaire, alors que certains souvenirs ambigus vont resurgir, jusqu’à un final âpre et saisissant…

Je ne m’attarderais pas sur l’aspect esthétique de Snow Angels, il est sobre et maitrisé en mettant subtilement en valeur les acteurs tels que Kate Beckinsale et Sam Rockwell qui jouent admirablement leur rôle. Les paysages enneigés, la romance juvénile et les confrontations et déboires des adultes sont magnifiquement retranscrit avec des petites trouvailles poétiques dans le montage, telle la première relation intime des adolescents… Enfin, le film contient une bande-son tout en délicatesse, dont les moments forts sont révélés par des morceaux issus de groupes tels que The Silver Mont Zion, Explosion In The Sky et Mono, ce qui ne gâche rien on doit bien l’admettre…

Snow Angels bien que tristement sombre libère une touche de légèreté romantique par l’enchevêtrement du point de vue de ces trois générations. Il dépeint les liens et les échanges humains qui abondent au sein d’une petite ville où tout le monde se croise, se connait et se côtoie en vieillissant ensemble, mettant en lumière amitiés, générosités, entraides ainsi que les ombres des sous-entendus, frustrations et frictions qu’une telle promiscuité engendre par la même occasion… Incompréhension, isolation et souffrance n’épargnent personne révélant la difficulté de vivre harmonieusement sur la même cadence…
Karaziel
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le 16 juil. 2014

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