Dans la catégorie grosse claque sur la dernière Croisette, le premier film d’Andrew Hulme, notamment monteur pour l'excellent Anton Corbijn (sur Control ou encore The American), se pose bien là. Il faut dire qu'avec ses atours de bon polar à l'anglaise nerveux et burné, le métrage présenté dans la section " Un Certain Regard " - et quel regard pour le coup - avait déjà tout en lui dès le départ, pour allécher les amateurs de bonne séries B que nous sommes. Surtout que, mention crédibilité, la péloche s'en paye une bonne tranche puisqu'elle s'inspire plus ou moins, de la vie personnelle de son co-scénariste et acteur Martin Askew, jeune criminel qui s'est converti à l'Islam après une existence de truand dans le milieu de la drogue.

Snow in Paradise donc, ou l'histoire de Dave, un petit délinquant qui mène sa vie entre drogue et violence, dans l’East End de Londres. Quand son business entraîne la mort de Tariq, son meilleur ami, à la suite d'une livraison qui capote dans les grandes largeurs, Dave est terrassé. Pour la première fois de sa vie, il se voit hanté par la honte, la culpabilité et le remords. Mais alors qu’il commence à faire la paix avec lui-même et qu'il tente de s'échapper de son univers pétri de violence, son passé de criminel revient peu à peu le mettre à l’épreuve...

Pur film de transe sous forme de chronique criminelle profondément sociale dans sa description réaliste des bas fonds d'un Londres gangrené par la drogue, le racisme et la division des classes, aux saveurs nordiques rappelant fortement Pusher - sans pour autant loucher sur le film culte de Winding Refn - mais également le chef d’œuvre de Jacques Audiard, Un Prophète, avant de lentement glisser vers le drame existentiel aussi bouleversant qu'éclairée.
Tourné dans l'urgence (en à peine vingt jours), sans un grand renfort de moyen mais avec une volonté de bien faire et une passion du cinéma (le métrage effleure une pléthore de genres avec justesse) forçant instinctivement le respect, Snow in Paradise est une merveilleuse péloche portée avec les tripes et qui sent aussi bon la sueur que la sincérité et ou l'Islam (enfin !) est montrée sous un jour accueillant, bienveillant et sain à la différence de la majorité des péloches contemporaines, faisant rimer cette religion avec le terrorisme ou l'endoctrinement malsain.

Merveilleusement bien rythmé et magnifié par un score anxiogène et une photographie stylisée, le film s'appuie surtout et avant tout, sur la performance saisissante et impliquée du pourtant inexpérimenté mais foutrement charismatique Frederick Schmidt, véritable révélation du métrage et qui bouffe littéralement un écran qu'il occupe tout du long. La grande réussite de Snow est clairement à mettre à son crédit, et on ne peut qu’espérer revoir le bonhomme dans un futur proche dans les salles obscures.

Viscéral, rugueux et rageur, le premier film d'Andrew Hume est un thriller/drame initiatique et spirituel fort, traitant avec intelligence et sensibilité des thèmes de la religion, du bien et du mal et de la rédemption.
Une version fictionnelle d'une histoire réelle proprement fascinante et entraînante, dénuée de tout cliché et qui nous emmène jamais là ou on l'attend. Pour un premier essai, on est déjà très proche du coup de maître.
Vivement la suite de la carrière d'Hume...


Jonathan Chevrier
FuckCinephiles
7
Écrit par

Créée

le 22 mars 2015

Critique lue 532 fois

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