Les lecteurs les plus malins (ou vicieux) auront saisi le jeu de mot "caché" dans le titre de cette critique et sont peut-être choqués par sa vulgarité. Ce manque de finesse est une réponse en accord avec la trivialité qui règne du début à la fin dans ce film. Les filles ne remontent pas leurs jupes en délicatesse mais les soulèvent illico dévoilant failles et intimité. Messieurs, je tiens à préciser que ce n'est qu'une image et qu'il n'y a qu'Alex Lutz qui se retrouve littéralement à nu. De façon d'ailleurs un peu abusive et pas franchement justifiée. D'entrée ces femmes ne se cachent pas quand elles rotent, pètent, ont leurs règles. Pas de fausse grâce, ce qui rend tout de suite le film aussi honnête que gênant. Certains verront dans ce manque de pudeur une provocation vaine et vulgaire, d'autres un ensemble de portraits universel et sans retenue. Toujours est-il que "Sous les jupes des filles" casse le mythe vieillot des filles pétales de rose naturellement fragiles. Au delà du manque de délicatesse c'est aussi le rythme qui perturbe au départ.
Le film commence sur l’enchaînement de micros-scènes de vie présentant chacune des héroïnes. Cela paraît plutôt fouillis, les éléments arrivent en surabondance, on est donc un peu égarés. Dans cette frénésie se cachent finalement des petites pierres traçant précisément le chemin que suit le scénario et les liens qui unissent ces onze demoiselles. La construction se tient extrêmement bien. Cette écriture énergique est certes déroutante au début mais elle évite surtout une mise en place lourde de longueurs. Trop souvent le développement est artificiel dans une répétition inutile des détails, là le scénario va à l'essentiel et laisse le spectateur faire lui même les déductions.
Toutes les actrices signent une performance qui se conjugue, qui nourrit même, l'authenticité du scénario. Si il y a sans conteste une franchise chez les personnages, ils ne sont pas tous égaux dans l'écriture. Certaines protagonistes ont un propos intéressant mais inabouti, d'autres ne racontent absolument rien, un rôle réussi à dégager un réel propos "féministe".
Géraldine Nakache est une Ysis ultra touchante. Une mère débordée et fatiguée par la routine familiale dans laquelle elle se retrouve enfermée comme beaucoup. Elle a besoin de vie, de temps pour elle et de ne plus se consacrer seulement à ses enfants et son mari. Il est pourtant charmant mais on comprend l’exaspération d'Ysis, porte-parole de bien des femmes, face à tant de sollicitation et la faible reconnaissance de son compagnon. Ces scènes de vie conjugales sont criantes de réalisme et mettent le doigt sur la fâcheuse habitude misogyne de notre société. On se réjouit avec elle de la rencontre qu'elle fait, la première scène est plutôt pathétique. Pour ce coup la mise en situation sonne archi-faux et Géraldine Nakache en fait des caisses dans la maladresse et la gêne. Dommage que la conclusion de cette quête tombe dans la facilité du populaire. Continuer dans le changement semblait une solution plus cohérente et l'audace de la relation entre Ysis et Marie aurait été assumée.
Alice Taglioni est une Marie tape-à-l'oeil. Sensée, sensuelle et sexy elle joue parfaitement la carte séduction de la distribution. C'est désolant de voir l'épilogue la réduire au rang de pot-de-fleur. Sous des airs d'happy-end la fin est plutôt découragée dans sa façon de perpétuer une histoire révolue.
Marina Hands est une Inès sensible. Elle image l'expression « L'amour rend aveugle ». D'une part littéralement (et c'est quand même très potache et pas intéressant) et d'une autre métaphoriquement. Elle ne voit donc pas l'infidélité évidente de son mari. Quand sa niaiserie est confrontée à la réalité il y a sursaut d’orgueil. Les réprimandes et sermons sont plein de verve, avec peut-être même un peu trop d'énergie et de folie de la part de Marina Hands. Cet excès qui tend vers l'absurde n'est ni vraiment drôle ni éloquent.
Audrey Fleurot est une Sophie inexistante. Quête dérisoire et présence ridicule.
Isabelle Adjani est une Lili maternelle. Sa grande inquiétude est aussi émouvante qu'amusante. Elle déborde sans cesse mais cette outrance est juste. Discours très léger voir ambiguë sur la précaution.
Sylvie Testud est une Sam paranoïaque. Ce trait de caractère appuyé joue sur l'humour burlesque comme avec la conductrice de la RATP.
Julie Ferrier est une Fanny farfelue. Toquée de tics elle est un personnage plus insensé qu'intriguant.
Audrey Dana est une Jo libre. La réalisatrice se donne un rôle dévergondé mais qui n'est que délassant en bonne copine pleine de conseils de drague assurés.
Lætitia Casta est une Agathe naturelle. Le coup de foudre est certes hâtif mais cocasse. L'ancienne mannequin est généreuse en spontanéité. Même dans la dérision grivoise elle renvoie une certaine élégance. Pour la première fois peut-être, Lætitia Casta est bluffante et surnage presque.
Vanessa Paradis est une Rose pétulante. Autoritaire et presque dédaigneuse, le docteur qu'elle rencontre au début du film lui diagnostique un taux de testostérone la rendant masculine dans l'âme. Il justifie par cette "théorie scientifique" sa capacité à répondre aux responsabilités et l'impossibilité de se lier d'amitié. Ce discours machiste mériterait d'être encore plus ridiculisé qu'il ne l'est.
Alice Belaïdi est une Adeline dévouée. Fidèle assistante à son antipathique patronne, la jeune stagiaire est très en retrait dans cet ensemble de portraits. Le trait de caractère très réservé de ce personnage est très bien porté par la jeune révélation issue de Canal qui a plus l'habitude de nous faire rire. La Sophie mâcheuse du duo issu des WorkinGirls laisse place à une jeune femme touchante. Avec une scène d’aveux poignante elle nous livre une prestation bluffante et ne cesse de tenir ses promesses.
Pas de jeu de dupes, ce film de filles par des filles et pour les filles est un croisement de destins honnête. Le scénario ambitieux est trop riche et s'éparpille. L'écriture est pleine de bonnes idées qui ne sont en fin de compte qu’effleurées. A part le fait qu'elle suit le rythme précipité de l'intrigue (par exemple les SMS montrés trop brièvement), pas grand chose à dire de la mise en scène efficace. La photographie est pas vilaine et la musique plaisante et entraînante.
adamkesher01
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le 9 juin 2014

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Adam Kesher

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