Soy Nero, passager du monde, habitant de nulle part...

Je vais tout de suite vous dire ce que je pense : allez voir Soy Nero. (voilà vous pouvez vous épargnez la diatribe qui suit)
allez le voir même si vous êtes fatigués, même si vous vous dites qu'un p'tit film détente vous ferait du bien, allez le voir même si y a le Dolan aujourd'hui quand même, allez le voir même si vous ne connaissez personne dans le casting, allez voir même si vous vous dites que ça va les histoires de migrants on en bouffe tous les jours dans les journaux...
Et pourquoi faudrait-il donc aller le voir ? et bien précisément pour tous ces "même si"...
Car avec Soy Nero, j'ai retrouvé un sentiment que je n'avais pas ressenti depuis un petit moment devant un film, c'est que le cinéma, c'est le monde.... c'est le monde, et pas la société. Dans Soy Nero, on sent que le cinéma habite le monde, le parcourt en tous sens, se fiche pas mal de ses frontières administratives, culturelles ou je ne sais quoi... alors même qu'il n'est question pour le personnage principal (Nero) que de frontière, d'appartenance, d'identité, une quête vaine pour laquelle il est prêt à jouer sa vie, littéralement... vaine parce que la société lui refuse tout ça, il n'y a pas le droit, lui le mec qui vient d'on-ne-sait-où, mais vaine aussi car tout le film, tout le cinéma qu'il brasse, est la négation de toute "identité culturelle" , dans le sens de préférence... le film n'est pas "hors des sentiers battus", car en fait, il n'y a pas de sentier, tout appartient à tout le monde ; la culture, j'en fais ce que je veux, et je t'em......
Le matériel de ce film vient d'endroits tellement différents (pèle-mêle et en vrac: des résurgences du ciné US des années 70, du rap west & east coast, une image que n'aurait pas reniée un John Ford, une direction d'acteur qu'aurait appréciée un Cassavetes, tiens du Jack White aussi, un réal apatride franco-britannico-iranien, des acteurs de séries us, des non-acteurs mexicains, ah tiens un sweat NWA, des lignes de fuite et des murs de la honte qu'on franchit ou pas, de la géopolitique et de la sagesse populaire, de l'humour et du désir, tiens du Rhys Chatam, une histoire banale et un récit extraordinaire... j'en oublie beaucoup, j'en ai raté pas mal...) mais tout ça n'est à aucun moment une accumulation de références, de clins d’œil ou de poses d'artiste. Jamais. Tout ça est là comme ça, ça existe, on le voit on le voit pas, y a pas d'effet gloubiboulga, on s'en fout en fait, car ce qui traverse Soy Nero, c'est la vie.
c'est le genre de film qui vous traverse et vous travaille. Quelques semaines plus tard, vous vous surprenez à y repenser, l'air de rien, il est en vous et vous a parlé. Enfin moi, il m'a parlé (et pourtant, je suis loin de me sentir proche de la vie du personnage, moi petit parisien confortablement installé) et puis je ne suis pas vraiment ce qu'on pourrait appeler un militant des grandes causes non plus (#nuitdeboutmaispastroplongtempscarj'aivitemalaudos).... tiens ça aussi c'est tellement juste dans Soy Nero : à aucun moment le film ne nous prend de haut et n'assène une quelconque bien-pensance de type "regardez la grande cause que je défend, c'est horrible la vie de ces pauvres quidams quand même, oulala les méchants américains" (et pourtant, y avait matière à...)
c'est du bon cinéma quoi... c'est aussi un Grand Film je crois... c'est l'inverse de Dolan en fait... pardon de parler de Dolan mais les deux films sortent le même jour (fort à parier qu'ils n'auront pas le même nombre d'entrées... tant pis pour les cons... ) Dolan, c'est un peu comme si tu te disais "faut que j'aille goûter le nouveau Burger King avec supplément bacon" (dans le cas présent, on pourrait dire que le supplément bacon, c'est le casting prestige-attention-grosse-performance français...) et puis quand tu ressors t'as mal au bide, tu pues de la gueule, t'as la tête qui tourne et les oreilles qui bourdonnent, 1h après t'as de nouveau faim et t'as un peu l'impression de t'être fait rouler...
Et bien Soy Nero c'est l'inverse, c'est de la haute gastronomie cinématographique... ça se déguste et ça reste en bouche, c'est l'agencement subtiles de multiples saveurs qui forment un tout cohérent... mais contrairement aux échoppes qui peuplent le guide michelin, là y a pas de différence de prix...
alors je résume: allez voir Soy Nero...

Pierre_Mercadier
9

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Créée

le 21 sept. 2016

Critique lue 319 fois

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