Sorties de leur trilogie Matrix contrastée, les Wachowski déboulent avec un Speed Racer qui ne pourrait être plus différent de leur franchise action/S.F. Et pourtant, le niveau d'ambition est le même, sinon supérieur. Adapter le manga éponyme n'est pas synonyme de facilité pour les cinéastes, très loin de là. Le duo voit ce nouveau projet comme le fer de lance d'une nouvelle forme de cinéma, rien que ça.
En premier lieu, Speed Racer est une pure expérimentation. Le cinéma est envisagé comme l'incubateur de différentes formes artistiques populaires, de la Bande Dessinée (Japonaise) à l'animation en passant par le jeu vidéo. Il y avait déjà de ça dans la trilogie mettant en vedette Néo et ses acolytes. Sauf que les Wachowski décident cette fois une transposition beaucoup plus radicale.
Les codes inhérents à ces arts font tous infuser directement sur le mode d'expression filmique. De fait, c'est toute sa grammaire que les réalisatrices vont dynamiter.
Le nouveau prototype s'affranchira des codes narratifs séculaires, organisant un choc spatio-temporel comme on en voit rarement sur grand écran. À ce titre, les quinze premières minutes donnent une idée de l'horizon esthétique. Passé et présent se mêlent, le réel se confond à l'illusion ; la caméra traverse le temps, la matière et toutes les normes par d'habiles raccords numériques.
Les Wachowski proposent donc un divertissement enfiévré doublé d'une proposition annonciatrice de ce que le blockbuster devra faire pour se réinventer. Détaché de cette considération, Speed Racer souffre de deux désavantages.
Le premier est intrinsèquement lié à sa nature avant-gardiste. Le film présente son idée du futur, mais ses outils sont malheureusement définis par les limites actuelles. Le festival bariolé n'est donc pas toujours à la hauteur des intentions, le mélange déborde de plans visuellement approximatifs et la profusion d'idées de mise en scène, surtout empruntée au manga, éreinte rapidement la narration. Plus de mesure aurait sans nul doute permis de biens meilleurs résultats.
Le deuxième problème...bah c'est que l'histoire n'a tout simplement pas grand intérêt. Elle s'inscrivent justement dans les grandes réflexions Wachowskiennes (on parle libre-arbitre, déterminisme et capitalisme). Mais franchement, ça n'a rien d'exaltant. Le destin du héros est une réitération de la maxime "just do it", autant dire rien de bien neuf. C'est distrayant, mais ça sonne creux. La volonté de viser le grand public se paie également au prix d'un humour peu efficient (personnifié par les personnages du petit frère et de son chimpanzé).
L'échec du film (un peu injuste) semble le condamner au rôle du visionnaire qui n'a pas su formuler correctement sa prédiction. Mais c'est quand même un bien tenté.