Dis, pourquoi t’es pas allé voir Speed Racer ?


Dis, pourquoi t’es pas allé voir Speed Racer ? Hein, dis ? Comment ça, je te fais chier avec cette question depuis 10 ans ? Eh oui, galaxie geek, cela fait maintenant près d’une décennie que j’ignore toujours pourquoi on était 10 personnes à tout casser dans cette salle obscure, un après-midi de juin 2008, prête à projeter ce qui aurait dû être le nouvel évènement annonçant le 7ème Art de demain ; après une trilogie néo-zélandaise adaptée d’un monument de la fantasy, une saga comic-book qui cassera la baraque et le box-office mettant en scène un adolescent pouvant tisser des toiles sur les buildings et un an et demi avant ce mystérieux projet qui allait devenir le porte-étendard de la 3D dans les salles obscures, Speed Racer, nouveau projet des Wachowskis prêt à décocher une nouvelle mandale, débarque. En catimini.


Quoi ? Comment ça, les Wachowskis, ça craignait en 2008 ? Parce que Jon Favreau, c’est mieux, peut-être ? Dis, public geek, pourquoi tu détestes à ce point les Wachowski maintenant ? Tu ne te rappelles plus à quel point ils t’ont vibré en 1999 ? Souviens-toi, alors que Warner te bourrait le mou avec « L’Arme Fatale 4 » et ses flics bons pour la maison de retraite ou un rôle chez Brett Ratner, tu as découvert sur Canal +, à la fin du Grand Journal, une bande-annonce mystérieuse, intriguante, excitante : Keanu Reeves, Laurence Fishburne, des douilles au ralenti, un hélicoptère, des images jamais vues ailleurs que dans des animés japonais et des cinématiques de jeux vidéo. D’un coup d’un seul, ces deux minutes ont déclenché un tremblement de terre dans la sphère nerd, fait tremblé l’Internet français alors balbutiant et ses modems 56 k au son strident signifiant la connexion au World Wide Web ; tous les geeks de France et de Navarre avaient bandé devant les premières images de ce blockbuster qui allait secouer le cocotier du blockbuster hollywoodien. Alors que tu venais de louer et relouer dans ton vidéo-club la VHS de Blade, tu sentais que quelque chose se passait alors, et que plus rien ne serait jamais comme avant.


3 ans auparavant, si tu étais un peu cinéphage ou tout simplement si tu avais fouiné dans le rayon polar de ton vidéo-club, tu avais repéré ce petit film, « Bound », premier essai du duo de metteurs en scène australiens, thriller-exercice de style en huit-clos faisant la nique à toute cette vague de thrillers erotico-chiants des années 1990 qui avait fleuri depuis le carton monstrueux de Basic Instinct. Avec un budget riquiqui, le film t’avait fasciné pour son imagerie empruntant bien aux comics qu’au cinéma d’action hong-kongais, ou encore à l’imagerie hitchcockienne… N’est-ce pas, hein, le nerd ? Eh, tu te fous de ma gueule ? Tu vois pas que je te fais marcher ? T’as pas remarqué tout ça dès le premier visionnage, t’as bandé comme tous les puceaux de 14-15 ans devant les plastiques de Gina Gershon et Jennifer Tilly ! Tu veux que je te montre dans quel état est la VHS que t’as acheté à l’époque ? Plus sérieusement, le film t’avait beaucoup tapé dans l’oeil avec son ambiance si particulière pour du cinéma qui pourrait être estampillé Tarantino-Sundance, mais ne t’avait pas préparé à la claque que tu allais recevoir avec le premier volet d’une trilogie autant appréciée que décriée : «The Matrix»…


Pourquoi t’es pas allé voir Speed Racer ? Parce que tu as détesté les Wachowski dès 2003. Alors que tu les as porté aux nues en 1999, tu as pensé qu’ils te prenaient en 2003. Dès que tu as vu « The Matrix Reloaded », tu as pensé qu’ils te prenaient pour des cons, alors que les réalisateurs voulaient juste te proposer du neuf, ne pas te caresser dans le sens du poil mais considérer que tu es intelligent, capable d’apprécier un blockbuster spectaculaire, proposant du jamais vu mais également un second volet qui pousse plus loin encore l’univers Matrix tout en l’orientant vers une autre direction, plus philosophique… Ah la la, philosophie de comptoir, qu’est-ce que j’ai pu l’entendre, à la sortie des salles obscures en mars 2003… Tu trouvais le film bête, prétentieux, alors que c’était tout simplement un long-métrage à l’opposé de tes attentes, une œuvre à voir et revoir plusieurs fois afin d’en saisir le sens ; et ton avis sur les Wachowski ne s’est pas vraiment amélioré avec le troisième volet sorti quelques mois plus tard, « The Matrix Revolutions », où tu as été peut-être moins hargneux mais toujours un peu désorienté par la conclusion de la trilogie.
Nous sommes en juin 2008. Ton serviteur piaffe d’impatience à l’idée de voir le prochain long-métrage de ce duo de réalisateurs complètement timbré qui, après avoir proposé la première saga de science-fiction essentielle des années 2000, prend à contre-point les attentes avec une adaptation… d’un manga des années 60. Avec des courses de voiture, des couleurs à foison, une imagerie hallucinante… Toi, public geek, tu avais kiffé la bande annonce, tu… Ah non.
Oui, je m’en souviens… Tu t’en foutais de Speed Racer. Tu les avais vues, ces premières images, mais tu as dit que c’est moche : « Cela ressemble à du Spy Kids ». « On dirait une cinématique de jeu PlayStation ». Non, fais pas l’étonné, tu as vraiment dit ou écrit ça. Tu veux que l’on ressorte les messages de forums de l’époque ? Enfin, bref, tu t’en foutais de ce film. Tu t’en foutais de ce qui paraissait alors être du jamais vu, une véritable fusion entre animation japonaise et comic book, quelque chose de jamais vu, à la frontière de l’expérimental dans son montage et son visuel. Mais non, tu t’en foutais. Tu es allé voir Iron Man, qui sonnait le début de l’emprise de Marvel sur l’univers geek, proposant la même formule photocopiée des dizaines et des dizaines de fois (ce n’est pas fini aujourd’hui…) ; tu as fondu d’impatience à l’idée de voir 300, littéral copié-collé de la BD au cinéma, tu étais même intrigué à l’idée de voir Will Smith en clodo avec des super-pouvoirs devant la caméra du réalisateur de « Bienvenue Dans La Jungle ».


Public geek, tu as été récupéré. Tu pensais avoir gagné avec les Oscar décernés au Retour Du Roi, troisième volet de la saga de Tolkien adaptée par Peter Jackson. Tu pensais être devenu le roi du monde avec le tsunami critique de « The Dark Knight » ! Mais non… Tu ne fais que suivre le marketing. On te fait croire que Watchmen, Sin City et 300 sont des modèles d’adaptation de bande dessinée au 7ème Art. On t’a clairement averti que James Cameron va se planter avec « ses Schtroumpfs Bleus ». On t’a persuadé qu’il faut clairement se poser des questions sur le marketing ULTRA-AGRESSIF d’Avatar : des affiches sur les abri-bus des villes, non mais quel scandale ! Salauds d’Américains ! Enfin, tu te dis que l’on avait raison : on s’en fout de Speed Racer, c’est un non-évènement, le film n’existe presque pas. 2 semaines à l’affiche, fini, basta, circulez, y’a rien à voir, allez hop ! Le DVD ? Non, laisse tomber, je te dis.


Quand je me remémore le nombre de spectateurs présents dans la salle lors de ma séance du chef-d’oeuvre des Wachowskis, je me dis aujourd’hui que tu les as bien écoutés à l’époque, tous ces marketeux et agents de commerce qui t’ont récupéré. Ils ont peut-être raison, tu sais : Marvel, c’est les meilleurs ; Rogue One est le meilleur Star Wars depuis L’Empire Contre-Attaque, tout comme l’a été The Last Jedi et tout comme le sera à mon humble avis Solo. Oui, Avatar a un scénario nul. Tu as raison, Gravity est simpliste, il n’y a pas de fond dans ce film, c’est juste une femme qui est perdue dans l’espace, on ne ressent rien dans ce long-métrage. C’est pas très original, tout ça… Tiens, public geek, tu veux de l’originalité ? Vois Cloud Atlas, c’est une grande fresque de… Ah oui, tu t’en fous des Wachowskis, c’est vrai. C’est pas la peine que je te parle de Jupiter Ascending, alors ?… ok, ok, je laisse tomber. Non, je n’ai pas vu Wonder Woman… Premier film féministe de l’histoire du cinéma ? Ah oui, tu as vraiment oublié Bound, alors… Black Panther, premier film de super-héros avec un black ? Tu te rappelles de Wesley Snipes ?…


Allez, à la prochaine, public geek. Non, je ne t’en veux pas, ne t’inquiète pas. Oui, Avengers 3, je sais… Tu vas y aller, évidemment, ça fait 3 ans qu’on t’en parle de ce film, depuis le 2, en fait. Non, moi, ça ira, merci. Je n’ai pas vu le 2, et ce n’est pas demain la veille. Non, je dis pas que c’est nul, ça ne m’intéresse pas, c’est tout. Et j’ai rien contre les suites, la preuve, j’attends à mort The Incredibles 2.


Mais dis-moi, une dernière fois… Pourquoi n’as-tu toujours pas vu Speed Racer ?

HuriotDavid
9
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le 16 avr. 2018

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David Huriot

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