Train d'enfer

Après un premier volet pour le moins soufflant, Sam Raimi se remet à l'ouvrage pour livrer une suite que beaucoup considèrent comme supérieure. Effectivement, sur bien des aspects, Spider-Man 2 surpasse son prédécesseur.

Le gros point noir du premier opus selon moi était le design ridicule du Bouffon Vert, sorte de mélange entre Iron Man et un cornichon. Le tir est ici corrigé puisque le Dr. Octopus est une réussite affolante - sur le plan esthétique et technique du moins, puisque ses motivations sont pour le moins minces (mais finalement pas plus que n'importe quel vilain de comics de l'âge d'or).

Les progrès techniques et la virtuosité de Sam Raimi aidant, les cabrioles de Spidey sont encore plus impressionnantes que dans le premier volet, et certaines rixes entre les deux antagonistes sont tout simplement anthologiques en terme de mise en scène, originalité des situations, etc... La maîtrise de l'espace et du mouvement dont fait preuve Raimi lors de la fameuse scène du métro aérien est confondante.

Mais c'est dans d'autres sphères que s'exprime le plus le talent du réalisateur : tel un Buster Keaton moderne, Peter Parker enchaîne les chutes, bosses et situations absurdes sous l’œil d'une caméra systématiquement bien utilisée. Le visage mobile de Tobey Maguire, sa dégaine de Gaston Lagaffe post-adolescent sont parfaitement utilisés par Raimi pour camper un personnage complètement dépassé par les événements. Ma scène préférée reste toujours la première, dans laquelle Peter / Spidey se mue en livreur de pizza sous pression : il s'agit d'un véritable modèle de mise en scène et d'écriture.

Malheureusement le bât blesse à plusieurs endroits dans le film. L'aspect mélo, si bien dosé dans le premier opus, s'avère ici répétitif et quelque peu oppressant, surtout en milieu de métrage. Les acteurs sont un peu moins justes, les dialogues moins concis, et le message moins lisible (il est permis par moments dans ses scènes de se demander Peter Parker est paumé ou simplement attardé mental). Trop verbal, alors qu'il maîtrise parfaitement la narration visuelle, le film traîne donc parfois la patte. Le dernier plan du film, magnifique, sur le visage de MJ regardant son araignée de boyfriend s'envoler, supplante par exemple avantageusement les 15 lignes de dialogue qui accompagnent parfois certaines scènes.

Quelques story-lines s'embourbent un peu par manque de rigueur scénaristique (la disparition des pouvoirs de Spidey, la relation avec Harry), là où le premier opus brillait par sa concision presque mécanique. Et après plusieurs visions, je ne sais toujours pas quoi penser de la conclusion de la scène du métro.

Mais cela n'entache pas entièrement l'euphorie ressentie à intervalles réguliers à la vision du film. Des scènes purement "comics" émaillent le film (le casse de la banque par exemple). En termes d'osmose de la mise en scène avec le sujet on peut se rappeler Mort sur le grill, un des premiers films de Sam Raimi, qui lorgnait lui sur le cartoon live. L'amateur de comics s'amusera en outre à reconnaître quelques cases emblématiques du comic-book (celle-ci par exemple), parfaitement intégrées au scénario. J'évoquerai encore la scène du réveil d'Octopus, séquence formidable invoquant à la fois le cinéma expressionniste, Evil Dead ou les films d'horreur Universal, tout en s'intégrant parfaitement au ton du film.

Un brin inégal, mais bardé de morceaux de bravoure, Spider-Man 2 vaut largement le coup d'oeil. S'il reste encore aujourd'hui considéré par beaucoup comme l'un des tous meilleurs films de slips, devant le premier opus, je lui préfère toujours celui-ci, tout en reconnaissant au 2 un mérite indéniable, celui d'une certaine folie dont manquent cruellement beaucoup de "comic-book movies" récents.