En 1979 sort en Union Soviétique l'adaptation par Andrei Tarkovski d'un autre roman de SF (il s'était déjà essayé au genre avec Solaris sept ans plus tôt). Il s'agit de Stalker : pique-nique au bord du chemin, des célèbres frères Strougatski.
On y suit un homme (le stalker) qui emmène deux hommes, un scientifique et un écrivain, dans "la Zone", un lieu défendu depuis ce qui semble avoir été une visite d'extraterrestres. Ils sont notamment à la recherche d'une chambre qui aurait la particularité de pouvoir exaucer tous les voeux de ceux qui la pénètrent.
Coté réalisation, la caméra de Tarkovski est mouvante, même lorsqu'elle demeure proche de l'inertie. Elle suit les personnages de près, évite les plans trop large qui enlèveraient le mystère avec lequel le cinéaste essaye d'envelopper son oeuvre. Et il y a quelques travaux remarquables sur la profondeur de champs, notamment.
Mais, à quoi servent ces plans séquences interminables qui ne succèdent à aucune réflexion ou effet de sens qui mériterait un tel espace vide laissé à l'esprit et à la solitude du spectateur ?
Au contraire, lorsque les esprits des personnages s'animent, c'est dans un rythme effréné que le spectateur doit s'infliger sans pouvoir faire murir ce qu'il n'a de toute manière pas eu le temps d'emmagaziner.
Le travail sur la couleur a l'air varié, avec au premier abord ce sépia qui ouvre le film dans un ton très post-apo. Un ton dont on ne sera délivré que lorsqu'arrivera l'entrée dans la zone, verdoyante et grouillante.
Stalker traite de la foi et du désir. La foi se décline comme toujours, entre crainte et fascination. Le roman des frères Strougatski, qui présentait initialement plusieurs zones avec chacune des anomalies bien repérables comme par exemple des objets en lévitation, a été dépouillé de toutes ces manifestations dans le film, laissant un cadre naturel et ruiné prompt à l'imagination. On pourrait comparer l'exploration de la zone à ces expériences d'excursions diurnes ou nocturnes dans des lieux abandonnés, par des individus à la recherche du moindre je-ne-sais-quoi qui pourrait troubler la tyrannie du silence.
L'attrait pour le mystère, la crainte devant la prudence des personnages, fonctionne pendant un moment. Mais, à force de répétition, au bout de plus de deux heures de film sans évolution, ils s'effacent. On ne voit plus que la plus grande banalité et le fantasme.
Quant au désir, il devient désir de l'absence. Tout ce que l'on a vu depuis le début du long métrage semble en être pourvu, et, comme le Stalker, en désaccord avec sa femme pourtant consolatrice qui lui propose de l'accompagner à nouveau dans la zone pour appeler la réalisation de ses propre voeux, nous sommes amenés à nous résoudre à l'idée vertigineuse que tout cela puisse t-être pour rien. La chambre des voeux demeure hors champs pour le spectateur mais pas pour les personnages, comme un mirage de plus dans une suite d'actes de foi.
Il est dommage que la longueur inexplicable et continue des plans qui produit un ennui difficilement extirpable ainsi que le culte du minimalisme opéré par le réalisateur gâchent cette réflexion, avec pour résultante que l'agonie du Stalker devant la sécheresse spirituelle du monde qui l'entoure laisse quelque peu de marbre. Cela nuit même à une ambiance à mon avis bien moins maîtrisée que ce ne fut le cas pour Solaris.
Pour la réalisation je mets 2 étoiles, pour l'esthétique 2, et 2.5 pour la thématique. Ceci nous fait une note de 6.5/10.