Après A.C.A.B.: All Cops Are Bastards en 2012, le réalisateur Stefano Sollima revient avec son second film Suburra. C'est l'adaptation du roman du même nom de Carlo Bonini et Giancarlo de Cataldo, que l'on retrouve au scénario avec le réalisateur et Sandro Petraglia. Il fallait bien autant de mains pour mettre en place les diverses intrigues et personnages, traversant cette oeuvre sombre et dense.


Après un débat houleux à l'assemblée, le député Filippo Malgradi (Pierfrancesco Favino) s'offre une nouvelle soirée de débauche avec deux prostituées de luxe. Le champagne et l'alcool sont aussi de la fête, mais va se révéler fatal pour l'une d'elle. Son décès va avoir des conséquences dramatiques et insoupçonnées dans les hautes sphères de la capitale italienne.


Rome, ville corrompue. C'est dans la capitale italienne que se déroule l'histoire sur une période de sept jours. Le gouvernement, le Vatican et la mafia se sont associés dans un ambitieux projet immobilier, devant transformer le quartier malfamé de Suburra, en un Las Vegas italien. Mais le gouvernement est au bord de l'implosion, le Vatican est en pleine ébullition et la mafia voit une nouvelle génération contestée ses méthodes.
L'ivresse du pouvoir rend les hommes aveugles. L'apocalypse est annoncée dans les sept prochains jours. La pluie tombe sans discontinuer sur Rome et Filippo Malgradi (Pierfrancesco Favino) se sent invincible. Son visage est celui d'un homme imbu de lui-même, il respire la condescendance et urine sur la ville comme pour signifier son mépris au peuple. Le plan est sublime, il montre toute la décadence qu'abrite en son sein la belle Rome. Ce politicien est déconnecté de la réalité et ne représente que ses intérêts. Le décès de la jeune prostituée ne le bouscule pas dans ses convictions, elle n'est qu'un objet de plaisir, rien de plus. Cette absence d'empathie fait de lui un monstre, un parmi tant d'autres.


On retrouve la mafia dans la plupart des institutions. La pieuvre a déployé ses tentacules, jusqu'à l'intérieur du Vatican. Elle a gangrené toute la société italienne, mais nourri en son sein un nid de serpents. La violence est omniprésente, cela semble être la seule manière de se faire comprendre et d'arriver à ses fins. L'homme est le mâle dominant, n'hésitant pas à s'en prendre aux femmes et enfants.
Le samouraï (Claudio Amendola) est le visage de la mafia. il représente toutes les familles et semble animé par un code d'honneur, au contraire du jeune chien fou Numéro 8 (Alessandro Borghi). L'ancienne école face à la nouvelle école. Les méthodes sont différentes, le samouraï inspire le respect sans avoir recours à la violence. Numéro 8 use et abuse de la violence pour arriver à ses fins. On voit leurs différences aussi à travers leurs looks, avec la sobriété de l’aîné qui détonne face à celle du benjamin. Ils ne sont pas les seuls à vouloir le pouvoir, le gitan Manfredi Anacleti (Adamo Dionisi) s'invite aussi à la table. C'est un mélange de ces deux générations, il a l'aspect du samouraï, mais est animé par la violence, sa seule force. Enfin, il y a Sebastiano (Elio Germano), un jeune homme se retrouvant au milieu de cette guerre de pouvoir à cause de son père.
Un monde d'homme, mais pas seulement. Les femmes semblent des objets de désir, soumises aux envies de ces mâles. Sabrina (Giulia Gorietti) est une escort de luxe, un choix de vie dictée par son passée. Viola (Greta Scarano) est l'amie de numéro 8, elle aime le sexe, la violence et la drogue. Ils vont tous jouer un rôle dans cette histoire flamboyante et envoûtante.


Stefano Sollima signe une oeuvre puissante. Sa réalisation est à la hauteur d'un scénario ambitieux. Sa caméra est aussi séduisante dans les face à face entre les divers protagonistes, que lors des moments de violence oral et physique. On est devant une fresque à la densité impressionnante. Le récit est fluide, sa mise en place se fait avec une facilité déconcertante, alors que les enjeux sont multiples. On est jamais perdu, avec cette impression d'être devant une série de qualité. Ce n'est pas étonnant que le film soit le prélude à la future série courant 2017 pour Netflix.
Le metteur en scène s'appuie aussi sur un casting de gueules talentueuses, avec en tête Pierfrancesco Favino, comme pour A.C.A.B.: All Cops Are Bastards. Ils sont tous parfaits, comme la musique de M83, omniprésente et hypnotisante. La photographie de Paolo Carnera participe grandement à la beauté visuelle du film. La forme est magnifique, comme le fond.


Ce n'est pas seulement un film sur la mafia, les politiciens véreux, l'hypocrisie du Vatican et un pays en crise. Cela parle aussi de la filiation, du poids des traditions, du choc générationnel et des différentes cultures. La fresque est réussie, c'est une oeuvre fascinante et violente, à l'image de la société actuelle.

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le 10 déc. 2015

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Laurent Doe

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