Si il avait su, il serait jamais revenu

Après l'étron The Quest for Peace, redonner un coup de neuf à Superman demandait à se retrousser les manches et y mettre les moyens. La Warner fait du coup appel à Bryan Singer, choix logique vu qu'il est le grand artisan du retour réussi des superhéros sur le grand écran via les X-Men. L'espoir renait, et avec un budget faramineux de plus de 200 millions de dollars, toutes les folies sont permis.


Singer va surprendre par l'orientation de son film adressé aux spectateurs connaissant Superman. Ici, pas de descriptions des origines, pas d'enfance fermière, pas d'arrivée à Metropolis, de création de double identité et de rencontre avec Loïs. Tout juste rappellera-t-on vite fait l'utilité de la forteresse de solitude. Nous sommes dans un monde qui connait déjà l'homme d'acier, mais ce dernier s'est barré depuis un moment et fait donc son retour. Le réalisateur se prive du coup de tout un tas de sujets sur lequel il aurait pu facilement s'épancher (la recherche de sa place dans le monde, etc...) mais tente tout de même de poser la question de savoir si le monde à besoin d'un sauveur, question totalement inutile vu qu'on y répondra dès la première grosse scène d'action où l'on échappe au carnage. Singer n'a pas choisi la voie de la facilité, et le résultat final lui donne tord.


Il y a tout un tas de soucis dans les choix fait à propos du métrage. Le rythme bien trop lent, d'autant plus appuyé par les trop longs moments de silence, la bande-son restant fort discrète pour généralement exploser que via la reprise du thème de John Williams.
Lex Luthor, l'excellent Kevin Spacey flirtant ici entre l'escroc antipathique et le coté irritant de la version Gene Hackman avec son groupe de bras cassé et cette humour donnant un ton humoristique bien souvent malvenu et pas toujours volontaire.
L'esthétique clinique de l'ensemble. Tout est propre, désinfecté. On ne voit le sang que sur deux plans similaires et hyper sobres, alors que deux passages en particulier aurait justifié un peu plus de couleur. Ça sent l'orientation public familial poussé dans ses derniers retranchements. D'ailleurs, tout le métrage ne prend aucun risque. Pas de noirceur, une mégalopole à la criminalité proche de zéro, et seul Luthor et ses larbins pour concentrer toute forme de mal. Un choix artistique pour un résultat sans saveur, sans réalisme. On n'y croit pas.


Avec autant de moyens, le gros du budget est clairement passé dans des effets visuels à la pointe. La séquence avec l'avion reste le morceau de bravoure permettant de réaliser le fantasme de transposer sur grand écran ce qu'on n'avait vu alors jusque-là que dans les comics. Bryan Singer tombe malheureusement dans le piège du tout numérique, privilégiant la post-production visuelle aux effets de plateaux, et les 2 heures 30 du métrage ressemble plus à une démonstration technique de ce qu'on est alors capable de faire qu'à un film racontant une histoire. On nous sortira bien un prétexte de vengeance, mais franchement, qui s'en souvient ?


Du coup, on se contente des quelques points positifs. L'avion donc, offrant un passage à la hauteur de la toute-puissance du héros. Brandon Routh aussi, et surtout son incarnation de Clark Kent, copié sur celle qu'en avait fait Christopher Reeve avec cette maladresse et ses perpétuels petits gestes appuyant le coté burlesque de cette partie de son identité (le réajustement des lunettes, la posture courbée). Et une petite surprise inattendue concernant l'un des personnages secondaires. Pour le reste du casting, la Loïs lunatique n'est que le moindre mal au milieu d'acteurs qui n'arrivent même pas à exister. Même le Daily Planet habituellement si vivant et dynamique ressemblerait presque à un funérarium un jour de deuil national.


Putain, on se fait chier. J'ai beau aimé le personnage, tout ce qu'il représente et les questions et autres sujets qui viennent habituellement se greffer à lui, le métrage se serait appeler "Superman N'est Jamais Revenu" que ça serait la même chose. Bryan a beau avoir réussi son coup avec les mutants, quand il s'agit d'alien, c'est plus la même histoire. Et Superman Returns reste un exemple supplémentaire d'une sous-utilisation d'un figure mythique avec laquelle il existe tant de possibilités. Quitte à aller dans une direction différente, autant le faire de A à Z (cf Secret Identity ou Red Son). Là, c'est le cul entre deux chaises, à mi-chemin entre l'hommage à la version de 1978 et la volonté d'aller dans une autre direction. Foirage, quand tu nous tiens.

auty
3
Écrit par

Créée

le 14 mai 2016

Critique lue 226 fois

auty

Écrit par

Critique lue 226 fois

D'autres avis sur Superman Returns

Superman Returns
Gothic
4

Manne Hostile

Dégageant à peine assez de ronds pour couvrir le budget faramineux du film à sa sortie en 2006, ce Superman Returns est rapidement tombé dans l’oubli, malgré un certain nombre de qualités (ne soyons...

le 10 déc. 2015

43 j'aime

7

Superman Returns
Gand-Alf
7

Résurrection d'un héros hors du commun.

Après l'abandon du "Superman lives" de Tim Burton, la Warner décide de confier le bébé au réalisateur Bryan Singer, qui avait, quelques années auparavant, remit le super-héros à la mode avec ses deux...

le 8 mai 2012

36 j'aime

6

Superman Returns
Lazein
4

Superfly

Profitant de ses congés bonifiés interstellaires, l'Homme Super s'est exilé 5 ans au bled dans un but purement bucolique et psychédélique. À son retour, ce con est étonné de voir Lois casée avec un...

le 29 juil. 2013

31 j'aime

11

Du même critique

All-Star Superman
auty
5

Pas vraiment accessible

Si je devais faire un résumé laconique suite à la lecture de ce All-Star Superman, je dirais tout simplement "j'ai pas tout compris...". Le postulat de départ, Superman condamné à terme à mourir...

Par

le 28 nov. 2015

9 j'aime

3

Terres perdues
auty
9

King se libère (enfin) de ses vieux démons

Enfin, l'épisode 3 est celui de la libération pour Stephen King. Car il a finalement réuni tout son "ka-tet" et il peut maintenant se concentrer sur l'objectif des héros tant évoqué mais souvent mis...

Par

le 1 nov. 2013

9 j'aime

Le Voyage de Chihiro
auty
10

Et au sommet, il y avait Chihiro

Bien des années après un premier visionnage, je regarde à nouveau cette aventure. Et je l'aborde le plus sérieusement du monde, en essayant de rester un minimum détaché. Deux heures plus tard,...

Par

le 21 févr. 2015

8 j'aime

5