Premier visionnage fait tard dans la soirée, je n’ai malheureusement pas été aussi réceptif que d’autres envers le film, non pas que je n’ai pas aimé, simplement que le film ne me touche pas directement. Le second visionnage effectué dans le besoin de ne pas vouloir passé à côté de certaines choses pour l’écriture de cette critique s’est étrangement bien mieux passé que le premier.


Le film raconte la genèse d’une civilisation et d’une religion ainsi que de la fin de cette dernière, du moins, dans les grandes lignes. Je vais essayer d’éclairer le plus possible ce qu’est le film, en essayant de décoder ce qu’a voulu communiquer son auteur, dont il est difficile d’y donner une pensée cohérente dans l’instant faisant suite de la fin de visionnage du film.


Sur le globe d’argent est une adaptation de La trilogie lunaire écrit par Jerzy Żuławski, qui reprend le premier tome de la saga, l’auteur n’étant ni plus ni moins que le grand-oncle du réalisateur du film, à savoir Andrzej Żuławski (Réalisateur de La troisième partie de la nuit, Possession, Le Diable...). Ce dernier débute le tournage du métrage en 1976 après que le ministère de la culture l’ait convaincu de rester dans le pays en lui permettant de réaliser le projet de son choix. Alors qu’il restait encore trois semaines de tournage au Printemps 1977, le vice-ministre au sein de ce même ministère décide d’arrêter les frais en voyant derrière ce film une ode anti-matérialiste (Żuławski disant d’ailleurs dans cette interview que le fond du film est une discussion portant sur la spiritualité et le matérialisme), contraire aux principes du régime soviétique porté avant tout sur le matérialisme et ce même ministère trouvant dans le film une allégorie de la lutte des polonais contre le régime totalitaire soviétique dans le conflit entre sélénites et cherns, ce qui peut ne pas être tout à fait faux, puisque le film s’interroge sur le rapport religieux et ses possibles répercussions, aspect politique compris. Quant aux négatifs du film, aussi étrange que cela puisse paraître, ils ne seront pas détruits par le pouvoir contrairement aux costumes, décors et accessoires, mais préserver au sein du Polish film studio and archives. Dix ans plus tard, son réalisateur Andrzej Żuławski part récupérer ce qu’il reste du film pour effectuer le montage et pouvoir enfin le sortir à l’écran, il faut savoir qu’il restait encore 20 % du film à tourner, le réalisateur comblant les trous narratifs avec des séquences filmant la ville en narrant par voix-off ce qui se devait se passer dans la séquence manquante.


Durant une bonne partie de l’intrigue, on passe devant l’écran à voir des personnages tous-tes hystérique et en proie à leurs propres crises qui s’accentuera au fil du film, dans un état d’extase qui tiendrait de la folie. Iels semblent rester à un stade d’abstraction de pensée qui fait qu’iels ne parviennent jamais à faire communion avec eux-mêmes (l’âme et le corps) et les premiers-ères astronautes n’ont pas non plus donner de réels repères, d’où généalogiquement une plongée de plus en plus sordide des descendant-e-s dans le chaos, prenant comme point de départ la mort de Marthe. Georges pensant dès lors pouvoir ramener l’ordre et y mettre fin en se présentant comme un mi-dieu, cette acte allant indirectement influencer les évènements historiques futurs, qui n’aidera pas à résoudre les soucis intérieurs et le fanatisme religieux qui commencera peu à peu à germer et sera de plus en plus dévoyé dans le temps. Débutant au départ par de simples croyances avec la petite tribu que Georges dirige, elle finit vers la fin en une démence qui livre à l’insanité, la perversité, la recherche excessive de jouissance et la corruption. S’il est vrai que la foi a permis de lutter contre la pratique esclavagiste des cherns, cela grâce à l’arrivé de Marc qui est vu comme le sauveur annoncé dans la prophétie, cette foi religieuse va se transformer en acte de vengeance en cherchant la conquête, l’avidité du pouvoir et l’écrasement des cherns, puisqu’il n’ont a rien d’autre à espérer car leur seul objet d’espérance qui aurait pu encore un peu canaliser leurs conflits a pris forme avec Marc. La crucifixion de fin de Marc devenant dès lors assez logique vu qu’ils ont tous besoin d’expiation, sur un plan cathartique, pour se libérer du sentiment de destruction et se libérer de sentiments chaotiques dont les guerres sont certainement l’une des pires conséquences illustratives des conflits intérieurs, mettant fin dans le même temps à leur ancienne religion, du moins je crois que c’est ce que le réalisateur a voulu communiquer, les réalisateurs d’Europe de l’est ayant à cette époque une relation particulière avec la religion et la politique. La violence de la scène de crucifixion est aussi brutale qu’elle cherche à sublimer la violence qui était jusqu’alors contenue au sein du peuple, la chute du pouvoir de Marc est d’autant plus réussi quand comme par miroir Jacques, qui a une liaison avec sa femme, y annonce l’envie de se séparer d’elle, car ne voyant pas chez elle autre chose que le physique. Bref, contrairement à l’une des critiques, comme on peut le voir avec ce que je viens de dire, on ne peut pas dire que c’est réellement nihiliste, comme si ce qu’il se passait à l’écran ne revêtirait aucun sens, qu’il n’y a point de but aux agissements des protagonistes. Nous sommes ici face à des personnages en pleine crise d’existence, qui s’illustre par leurs démences, connaissant bien des difficultés à exprimer leurs pensées et en désespérante recherche de sens. Le film ne cessant par ailleurs les analogies bibliques aussi bien dans sa trame que dans le symbolisme marqué dans le nom des personnages.


Pour parler un peu plus du personnage de Marc, celui-ci est en proie à des états de transe répétés et très intense après sa rencontre avec le Chern Aville, rejetant les déclarations de ce dernier lors de son interrogatoire qu’il n’est que matière, ne possédant aucune composition en soi, n’étant rien de plus qu’un animal et que contrairement à lui, il s’accepte lui-même sur cet état de fait, toujours cette dualité du corps (considéré comme matière) et de l’âme donc, qui s’affronte pour chercher l’unité.



Conversation entre le chern Aville et Marc (qui est sacrément délirant à lire comme ça)



Marc : Tu es un animal !



Chern Aville : Tu es un animal et toi-même.



Marc : Tu sais donc parler !



Chern Aville : C’est toi qui entends ?



Marc : Pourquoi me parles-tu ?



Chern Aville : Tu me donnes à manger.



Marc : Tu veux donc vivre !



Chern Aville : Tu crois que je suis vivant ?



Marc : Oui car tu es un animal.



Chern Aville : N’y a-t-il en toi rien qui vit au-delà de l’animal ?



Marc : Je ne comprends pas.



Chern Aville : Toi et moi, nous sommes des animaux. Moi j’accepte, toi tu ne l’acceptes pas.



Peu de temps après, Ihézal rapplique pour faire reprendre raison à Marc, puis le Chern lui communique par télépathie, se mettant à répéter ses paroles.



Ihézal à Marc : Il dit que tu ne vis pas, que tu es sec et mort, car tu n’es qu’un objet, que tu ignores le sens, que tu ne te connais pas.



Dualisme très prégnant au sein de l’univers duquel Andrzej Żuławski s’empare, qui fait son chemin au-delà du cadre de l’expérience vécue (Métaphysique) : le rapport amour et haine, la lumière et les ténèbres (intégré à l’esthétique du film), le bien du mal, la naissance et la mort (pris comme symbole avec l’œil sur les mains de Ada et Ihézal), corps et âme, l’homme et son rapport à la matière.


Pour reprendre cette remarque de l’homme comme simple animal, il y a à comprendre derrière qu’il n’y a pas lieu à nous considérer uniquement comme des « choses », comme simplement des animaux n’ayant qu’un travail de reproduction et à l’écoute des sens et ce que le corps (ou nos pulsions) nous dicte. Je ne sais pas comment le formuler plus clairement, c’est une vieille idée selon laquelle l’humain est meilleur que les autres animaux car capable de pensées propres, d’émotions et de transfigurer le monde par leurs actions.


Pour ce qui est du cadre formel, on reconnaîtra à Żuławski une véritable puissance d’imagination qui rend l’univers si crédible, cohérent et le rend tout à fait singulier. Les séquences dans la cité souterraine où on voit ces corps éparpillés en mouvement sont surréalistes, tant par leur beauté que cette audace du réalisateur et que des acteurs-trices aient pu participer à ce genre de scène est assez étonnant, je n’aurais pas cru voir ça au cinéma, c’est quelque chose qui m’a frappé.


Question utilisation de la caméra, elle joue ici bien son rôle, « récepteur de la mémoire » dans la première partie du film, elle joue le rôle de témoignage des évènements de la vie durant la période des premiers colons, donnant dans le found-footage, Żuławski parvenant à donner un côté « authentique » à ce qui se passe sous nos yeux. Tenu par Georges, il finit par être transporté par les objets qu’il filme qu’il en oublie d’exister lui-même. Finissant par ressentir un début d’existence en se représentant soi-même comme un Dieu, au travers du symbole le plus fort du pouvoir, ralliant les descendants de Marthe autour du culte de sa personne. Cette caméra va par la suite être reprise par des personnages secondaires qui s’en emparent en examinant le fameux objet puis filmant ce qu’il y a autour ou eux-mêmes. Après la période où on suit la vie de Georges, on se retrouve avec Marc qui est accueilli comme sauveur et libérateur, et là la caméra en devient plus libre dans ses mouvements puisqu’il n’est plus question ici d’un témoignage vidéo, mais d’évènements directs.


Pensant avoir fait un peu le tour, les plus acharnés sur ce film pourront certainement me dire qu’il y a peut-être plus à dire, mais je pense en avoir dit l’essentiel et ne pas trop m’attarder sur des détails qui feraient office de remplissage.


Pour ce qui est de mon appréciation personnelle, c’est un film que je considère comme valant le coup d'être regarder pour ce qu’il a à proposer et qui mérite d’être mis un peu plus en avant car quand on voit le nombre de critiques et de notes rien que sur ce site, le film n'a pas l'air de faire des vagues. Il n’a pas énormément influencé la science-fiction au cinéma comme un Blade Runner, mais mérite largement son visionnage pour la singularité de son univers, sa très bonne direction d’acteurs, son excellente mise en scène et l’esthétique globale très riche et sans faute de goût malgré des moyens beaucoup moins importants que les productions de l’Ouest, mais malgré les évidentes qualités du film, le propos ne m’atteint pas directement, du moins dans la manière qu’il est transmis. Je termine le paragraphe pour dire que j'espère que cette critique à pu éclairer un peu le film (en espérant ne pas avoir été un tout petit peu à côté de la plaque) pour ceux qui ont du mal à le saisir et à ceux n'ayant pas encore vu le métrage d'aller y jeter un œil.

Snervan
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le 6 juil. 2016

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