Sur les quais, la révolte gronde. La soumission ne peut plus durer.

Comment ces hommes peuvent-ils se laisser faire depuis tant d’années ? A cause de leur peur. L’idée de dénoncer le système, de mourir en représailles, de se sacrifier pour les autres est insurmontable pour ces dockers qui ont déjà tant souffert et trop vécu pour se rebeller. Il faudrait de l’insouciance pour s’opposer seul face au syndicat.

Marlon Brando va représenter cette révolte. Ce jeune garçon, qui semble détaché de toute réalité ( "I've never met anyone like you. There's not a spark of sentiment or romance or human kindness in your whole body."), est pourtant très conscient de sa situation. C’est un « bon à rien», un raté, qui se contente jusque-là d’un travail facile sur les quais acquis par ses relations (" I coulda had class. I coulda been a contender. I coulda been somebody, instead of a bum, which is what I am, let's face it."). Mais peu à peu, on arrive à desceller en lui une grande moralité, qu’il avait enfoui, comme son rêve de devenir un grand boxeur.

Il se contente de suivre le groupe, et reste libre sur les toits, lieu de plénitude ou rien ne semble pouvoir lui arriver. C’est une rencontre qui va faire resurgir en lui cette moralité et cette liberté, celle d’edie Doyle. Sa culpabilité, face à cette jeune femme si naïve, honnête et courageuse va le pousser à agir et à écouter son cœur ("Which side are you with? Me? I'm with me, Terry."). Il doit faire un choix, et ne souci plus des risques qu’il encoure et du regard des autres. Il agit, seul contre tous, et mène la révolte. Lui qui refusait de s’expliquer avec des policiers sur une affaire de meurtre, se présente seul au tribunal et dénonce le système mise en place.

Et c’est sur les quais, comme un symbole, qu’il gagnera son combat, en ralliant tous les dockers à sa cause après un discours d'une grande intensité ("You think you're God Almighty, but you know what you are? You're a cheap, lousy, dirty, stinkin' mug! And I'm glad what I done to you, ya hear that? I'm glad what I done!") .

Elia Kazan signe ici un film d’une grande puissance. Sa beauté narrative et sa mise en scène sobre et efficace en fond un chef d’œuvre. La psychologie des personnages, évolutive, est très complexe. Les discours, renversants et bluffant de sincérité, sont un exemple du genre. Enfin, le jeu d’acteur est d’une grande maîtrise, Marlon Brando crève l’écran par son charisme.

Le réalisateur traite avec brio de plusieurs sujets, comme celui de la délation (qui a marqué la vie d’Elia Kazan), de l’effet de groupe, de l’injustice sociale et de la religion. Mais il ne se pose pas en moralisateur, chacun se fera son avis sur le dernier plan.
clemysl
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Créée

le 25 nov. 2013

Modifiée

le 26 nov. 2013

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