Sequel maladroit mais attachant d'un chef-d’œuvre générationnel

Festival de Cannes, 1996. Trainspotting, deuxième long-métrage d'un certain Danny Boyle (ignorant à l'époque qu'il allait devenir l'un des plus importants représentants du cinéma britannique) fit l'effet d'une bombe sur la croisette. Œuvre visionnaire pour les uns ou croûte clippesque pour d'autres, cette chronique acerbe de la génération brit-pop ne laissa personne indifférent et devint rapidement un phénomène culte auprès du public.


Vingt ans après, alors que le film continue de marquer les esprits, une suite lui est offerte et, mis à part les rides, l'équipe n'a pas changé. Du réalisateur aux acteurs (Ewan McGregor, Jonny Lee Miller, Ewen Bremner...), en passant par le scénariste et les producteurs, toute la troupe du premier opus a rempilé, ce qui, en plus d'une bande annonce des plus enthousiasmante, nous laissait espérer un retour détonant.


Détonantes, certaines scènes le sont, malheureusement le résultat global, lui, ne convainc qu'à moitié. Très porté sur la nostalgie, T2 peine en effet à se démarquer de T1 à force de trop regarder en arrière (flashbacks, références, réminiscences narratives entre les deux films...), nous rappelant à quel point cette histoire imaginée par le romancier Irvin Welsh était avant-gardiste et pertinente sur son époque. Aujourd'hui, Trainspotting s'est platement assagit : moins neuf, moins crade, moins drogué et donc beaucoup moins transgressif, ce scénario à l'ère de Facebook et du revenge porn s'avère, hormis quelques fulgurances comiques et des dialogues toujours aussi ciselés, assez peu passionnant. Des intrigues criminelles jusqu'au nouveau personnage féminin, tout nous semble très anecdotique.


Danny Boyle tente de combler ce manque d'audace en renouant avec l'esthétique clippesque qui le caractérise, mais là encore, il y a du bon et du mauvais. Si la direction photo, toujours assurée par Anthony Dod Mantle depuis 28 jours plus tard, expérimente comme à son habitude moult innovations formelles, une surenchère d'effets plus ou moins tapageurs et des transitions musicales appuyées rendent le film plastiquement ingrat. De sublimes compositions de cadres viennent ainsi se mêler à de très lourdes idées de mise en scènes, parfois fun certes, mais souvent proches de la faute de goût. Un comble pour un cinéaste comme Danny Boyle qui, auparavant, exploitait parcimonieusement ses tics visuels au service de ses récits.


Néanmoins, cette réalisation publicitaire un peu has been s'accorde efficacement avec la prise d'âge compliquée des personnages, toujours plus inadaptés à cette Écosse qui a changé sans eux. Car si l'on met toutefois de côté ces diverses imperfections, ainsi que ce sentiment de suite qui peinerait à se justifier, les retrouvailles avec Mark Renton, Sick Boy et Spud ne se font pas sans déplaisir, surtout pour les fans de la première heure. Les ex-junkies d'Édimbourg sont désormais habités par une mélancolie qui émeut à chaque instant et les comédiens sont toujours au top (surtout Kelly MacDonald, dans sa trop brève mais splendide apparition), à l'exception peut-être de l'assez pitoyable Robert Carlyle, plus hystérisé que jamais par son rôle de Francis Begbie.


Sequel imparfait mais attachant d'un chef-d’œuvre générationnel, T2 Trainspotting se laisse donc apprécier pour le regard sincère qu'il porte sur le vieillissement de ses antihéros iconiques. Un long-métrage touchant à défaut d'être aussi culte que son prédécesseur.


http://amaurycine.blogspot.com/2017/03/t2.html

Amaury-F
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le 5 mars 2017

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Amaury F.

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