Taxi Driver est l'un de ces film qu'il est bon de revoir encore et encore, tant il fourmille de détails, de nuances et de niveaux de lectures.


Ce qui est intéressant, lorsque l'on revoit Taxi Driver, c'est que l'on peut se concentrer sur à peu près tout ce qui fait le récit (et donc pas spécialement sur le récit en lui même) sans avoir peur de louper quelque chose d'important, et en apprendre encore et encore alors que l'on pensait tout connaître. Par exemple, on remarque le travail exceptionnel de Bernard Hermann, dès les premières secondes, avec ce thème envoûtant mais parsemé de ruptures. On remarque également cette vision d'un New-York poisseux mais pourtant hypnotique. On découvre le monde par les yeux de Travis Bickle, l'un des personnage les mieux écrit de l'Histoire du Cinéma.


Laissez-moi vous parler de Travis. Ex-Marine ayant servi au Vietnam, il est de retour à New-York et décide de devenir chauffeur de taxi, pour combler des longues nuits sans sommeil, endommagé par une guerre perdue d'avance. C'est un jeune homme simple, en apparence. Il obéit à ses pulsions premières, tout en restant plus ou moins courtois. Mais on se rend vite compte qu'en fait, il est totalement déconnecté du monde. Plusieurs exemples nous le montrent ; il ne connaît pas les expressions populaires ni les chanteurs, ne sait pas tenir une conversation cohérente, et pense qu'un cinéma porno est un lieu tout à fait commun pour un rendez-vous. Et c'est là, lorsqu'il dit à Betsy "I'm sorry, I didn't know. I don't know much about movies", que ce gars nous prend aux tripes. On aurait pu croire à un obsédé, ou à un maladroit, mais non, Travis est juste un ignorant plein de bonne volonté.


Et c'est en ça que Travis Bickle est un personnage fascinant. Du début à la fin du film, il est persuadé de faire le bien, voire de faire son devoir, en ce qui concerne la dernière partie. On pourrait presque dire que c'est un homme foncièrement bon. Mais vu autrement, on pourrait aussi dire que c'est un extrémiste qui a tenté un acte terroriste...
Mais comment en est-il arrivé là ? Il a été rattrapé par la réalité des rues sales de New-York, il a nettoyé trop de sperme et de sang à l'arrière de son taxi, et puis surtout, c'est sur ce même siège qu'un jour s'est assis un homme, qui lui a raconté comment il allait tuer sa femme avec un .44 Magnum, demandant de laisser tourner le compteur pendant qu'il parle, payant sa confession. Mais c'est aussi là qu'il a vu pour la première fois cette jeune, trop jeune fille...


Iris, le détonateur.
Elle s'était assise et lui avait demandé de démarrer, c'est tout. Il ne l'avait pas fait, et avec accepté le billet lancé par le type avec un chapeau et un marcel blanc venu la récupérer. Cette fille, il ne sait pas qui elle est, mais il doit la sauver. Il lui doit bien ça, il se doit bien ça. Après avoir perdu Betsy, il ne laisserait pas tomber elle. Il la revoit à un croisement, s'arrange pour se retrouver seul avec elle, souriant à pleine dents au gars avec le marcel et à son mac, tout en sachant très bien que ce sont deux raclures qui méritent d'être exterminées par une grande pluie, qui viendrait nettoyer New-York de toute cette racaille.
Le problème, c'est qu'Iris, elle est bien où elle est. Et elle semble attachée à l'ordure qui s'en sert comme gagne pain. Ou alors elle a trop peur. Quoiqu'il en soit, c'est un nouvel échec pour Travis. Et là, c'en est trop.


Cassant son image (se rase les cheveux) en même temps que celle que l'Amérique veut se donner d'elle même (il fait tomber sa télé en regardant une série du genre "Amour Gloire et Beauté"), il décide d'être cette grande pluie. Après tout, il ne s'est jamais senti aussi bien qu'après avoir descendu le braqueur de l'épicerie du coin.
Tout est prêt pour le grand final, il décide de s'attaquer au hautes sphères. Descendre Jack Palantine aura de l'impact et sur la ville, et sur Betsy, dont il est en quelque sorte la figure paternelle. Malheureusement, il échoue et, comme il avait essayé de se rattraper avec Iris, décide de se rattraper avec l'homme important pour Iris, Spot. On connaît tous la suite, bain de sang, pénurie de balles, on pense que Travis en a fini avec la vie, mais c'est tout le contraire.


Il est devenu un héros, il a réussi, il a sauvé Iris, qui est retourné vivre chez ses parents. Qu'en conclure ? Que l'Amérique se fabrique des héros même s'ils sont dérangés ? Peut-être.


Mais une chose est sûre, la mission de Travis est loin d'être finie. On pourrait penser que le final est positif, mais en vérité, il n'est ni positif ni négatif. Parce que ce n'est pas un final. C'est la fin d'un round, tout au plus. Depuis le début, on voit le monde avec les yeux de Travis, et avec une dernière scène pareille ( le retour au visuel de la première scène ), Scorsese nous fait clairement comprendre que notre chauffeur de taxi n'a pas changé sa mentalité d'un pouce, et qu'un jour où l'autre, tout cela recommencera...

CinéPop
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 7 janv. 2017

Critique lue 706 fois

11 j'aime

CinéPop

Écrit par

Critique lue 706 fois

11

D'autres avis sur Taxi Driver

Taxi Driver
Kobayashhi
9

La prostituée et le Chauffeur de Taxi. La Scorsese

"All the animals come out at night - whores, skunk pussies, buggers, queens, fairies, dopers, junkies, sick, venal. Someday a real rain will come and wash all this scum off the streets. " C'est par...

le 15 oct. 2014

155 j'aime

3

Taxi Driver
DjeeVanCleef
10

Un Prophète.

On pourrait disserter des semaines sur les qualités de ce film, un pur chef-d’œuvre, peut être même le seul vrai joyau de Scorsese. Celui qui, sous mes yeux, dans mon cœur brillera pour des millions...

le 29 sept. 2013

135 j'aime

25

Taxi Driver
JimBo_Lebowski
10

Le Solitaire

Mon expérience avec Taxi Driver a commencée dans une salle de cinéma de quartier il y a 15 ans, tout jeune lycéen ouvert à l'œuvre des Kubrick, Tarantino, von Trier et autres P.T. Anderson, j’étais...

le 27 oct. 2015

131 j'aime

9

Du même critique

La Momie
CinéPop
4

Le Dark Universe, c'est mal parti

Sur le papier, ça pouvait le faire. Tom Cruise, Russel Crowe, des seconds rôles de qualité, une envie de relancer un univers étendu vieux de près d'un siècle peuplé de monstres cultes comme Dracula,...

le 8 juin 2017

13 j'aime

2

Taxi Driver
CinéPop
10

God's Lonely Man

Taxi Driver est l'un de ces film qu'il est bon de revoir encore et encore, tant il fourmille de détails, de nuances et de niveaux de lectures. Ce qui est intéressant, lorsque l'on revoit Taxi Driver,...

le 7 janv. 2017

11 j'aime

Edward aux mains d'argent
CinéPop
10

Le Roi des Neiges

Au dehors tombent les premières neiges de l'année et soudain une envie me prend, celle de me replonger dans l'univers étrange du conte Burtonnien par excellence, à une époque où son génie...

le 13 janv. 2017

10 j'aime

6