Un monument du cinéma servi par un acteur unique dans ce rôle (bluffant Robert De Niro), et un réalisateur ambitieux (le meilleur Martin Scorcese ? Difficile de choisir, mais pour nous : oui...). Un binôme qui fonctionne à merveille (ils tourneront par la suite huit autres films ensemble, dont beaucoup de très bonnes moutures) et qui ici à tout donné à son Taxi Driver : on ressent toute la passion de De Niro pour son personnage outsider (l'acteur a touché "à peine" 35 000 dollars pour ce rôle, en refusant un autre film qui lui en proposait cinq fois plus... Quand on voit le résultat, on lui donnerait bien une rallonge), et tout le talent de Scorcese au service de ce personnage (il en devient instantanément mémorable et attachant malgré son étiquette "paria" collée sur le front). Au quotidien ennuyeux et pervers de ce conducteur de taxi cloîtré dans sa basse condition sociale, s'oppose l'entrevue exceptionnelle de la jolie jeune fille au travail estimé et les menaces qui pèsent sur elle. L'intrigue pourrait sembler simple et déjà vue (le héros inattendu qui sauve la belle "princesse"), et pourtant, elle nous fascine, et s'associe parfaitement à une critique sociétale qui nous prend au cœur. L'ambiance sale, de mauvaise condition, décrit une société américaine que personne ne veut voir mais qui pourtant existe et enferme dans sa routine aliénante ses proies : pauvres, petits travailleurs et autres malchanceux qui ont pourtant des qualités à offrir. A l'instar de ce chauffeur de taxi qui s'improvise sauveur de la dame avec sa brutalité et son côté "rentre dedans" qui le caractérise. La fin est jouissive, le film n'évite aucune scène nécessaire aussi violente soit-elle, et comment résister à la réplique culte "You talk too me ?" de De Niro essayant de s'impressionner lui-même devant son miroir... Un délice de romantisme sale et cru, encore plus intéressant par sa critique sociétale et son interprétation magistrale.