Je suis assez épaté par le talent et la maturité dont Scorsese fait preuve ici. Les lumières et les ambiances de ces rues des bas-fonds de New York sont magnifiques. Une ville qui bizarrement paraît exigüe, plombée par une nuit qui plafonne le regard. De Niro, hallucinant de justesse, interprète de façon magistrale ce personnage solitaire, silencieux, tout en rage contenue, à la fois charmant et glacial.
La folie qui s'empare de Travis fait froid dans le dos et étrangement fait écho à ces jeunes américains qui tuent leurs copains de classe en préparant leurs actes méticuleusement. Car pour lui aussi, ces déchets de l'humanité doivent être éliminés, ces porcs qui souillent son environnement et qui sont un affront à sa morale. Une morale "à l'ancienne" digne d'un cow boy soucieux de la veuve et l'orphelin. D'ailleurs il n'a plus que ça à défendre: incapable de mener une vie normale, échouant lamentablement dans son flirt avec Betsy, son unique but sera de détruire le vice qui ronge sa cité.
Une violence qui sera peu à peu légitimée par les esprits tordus qu'il croise dans ses déambulations: tantôt un client de son taxi, le prenant à témoin du prochain meurtre de sa femme adultère, tantôt un commerçant s'acharnant sur le corps inerte d'un voyou que Travis vient de descendre lors du braquage de l'épicerie.
Tout le film nous amène vers cette fin, d'une grande violence, mais un peu pathétique dans l'accomplissement de sa grande mission, qui, d'un suicide social, se transforme en réhabilitation. La dénonciation d'une Amérique qui ne tourne pas rond, selon un Scorcese lucide, ici très représentatif de la mentalité subversive des cinéastes de sa génération.
Un chef d'oeuvre que je suis content d'avoir vu, mais dont le souvenir de cette trajectoire si misérable devra pas mal s'estomper avant d'avoir envie de le revoir.