Porno de la destruction

C'est une sensation étrange que procure la découverte d'un film aussi connu que Terminator, dont j'avais connaissance du nom des personnages et de certaines répliques, mais sans savoir de quoi il retournait, ce que ça racontait vraiment, et sans que ça m'ait particulièrement intéressé à vrai dire. "Terminator" pour moi c'était pas grand chose, juste un nom iconique. C'est en voyant le film que j'ai compris l'impact qu'il a eu et pourquoi il est resté, même si c'est vrai que le succès de ce premier volet est incomparable avec celui qu'a connu sa suite (que j'ai découverte peu après). Pourtant je trouve le premier Terminator autrement plus impressionnant et fantasmatique que "T2" (qui est plus "familial" on va dire). Attention, j'ai beaucoup aimé le 2, mais rien à voir avec le choc qu'a été le 1, à mes yeux de cinéphile de 22 ans qui a peur parfois d'avoir déjà tout vu.

Je trouve que ce premier Terminator est un film unique car il accomplit le désir de mort de l'être humain, l'envie de tout casser, de renverser la loi, l'Etat, sans entraves. Je pense là bien sûr à la scène du commissariat, ouverte par la phrase mythique "I'll be back", jouissive, et qui se poursuit sous un déluge de feu, non moins exaltant. Dans le temple de la loi, là où Sarah Connor doit être en sécurité plus que nulle part ailleurs, le Terminator casse et tue tout sur son passage. C'est absolument sidérant. Et tout cela sans la moindre émotion, et incarné par l'homme surhumain par excellence : Schwarzenegger, le culturiste aryen. Le cinéma touche là je trouve à quelque chose de sublime ; Cameron traduit la pulsion de mort à l'écran d'une manière que je n'avais jamais vue avant. C'est extraordinaire car ça n'a rien à voir avec une quelconque identification psychologique du spectateur au personnage, c'est une pure sensation physique qui est suscitée, un peu comme dans un porno (malheureusement les pornos sont rarement de ce niveau-là).

J'aime aussi beaucoup dans le film l'intrusion de la science-fiction (qui est un genre qui ne m'attire pas beaucoup en général) dans le quotidien parfaitement banal des Etats-Unis des années 1980, et le fait que dans le présent les enjeux fondamentaux du futur (des enjeux qui impliquent tout le monde) n'intéressent pas du tout les autorités, et ne concernent finalement que deux personnes : Sarah et son ange-gardien. Dans le futur les machines auront pris le pouvoir et nos héros seront une minorité, mais en réalité c'est déjà le cas dans le présent, sauf qu'au lieu des robots il y a la police et les psychiatres. Le futur apocalyptique reste un horizon abstrait, même si c'est de là que tout vient, et de ce fait le Terminator devient le reflet unique de la dictature des machines qui règne sur le futur. On n'est donc pas vraiment dans la science-fiction (la science-fiction correspond souvent à un "merveilleux" d'anticipation) mais plutôt dans le fantastique (où le surnaturel surgit dans un univers réaliste).

Et puis le film contient sa part d'émotion, notamment via la relation entre Sarah et Kyle, et d'ailleurs l'émotion est servie par le choix des acteurs qui ne sont pas spécialement beaux (ce qui permet d'éviter la niaiserie), surtout si on les compare avec la carrure et le charisme de Schwarzenegger. C'est d'ailleurs pour ça que je trouve la fin avec le squelette robotique moins intéressante (outre le caractère suranné des effets spéciaux), car l'intérêt du film tient beaucoup dans Schwarzy et dans son incarnation parfaite du surhomme machinique et invincible.