The Black Wall exhale un certain cinéma de genre qui lorgne du côté des films de jeunes rebelles tout en se projetant dans des envolées obscures attraits aux films de triade. Il est même étonnant que le film ne subisse pas une classification plus dure. En effet, il semble exempt d’une potentielle classification triangulaire marquée au fer rouge (Category 3) que sa violence ensanglantée et son visage de la jeunesse aurait pu susciter. Au-delà de cet aspect, ce premier film de Lau Ga-Yung offre une audace que nous réservent certains premiers films. On y dénote une aura d’auteur sans contrainte qui ne recule devant rien. Lau Ga-Yung livre un film avec des scènes coups de poings et c’est peu dire. Il y traite de la violence de façon réaliste à l’image d’œuvres de cinéma comme The Club de Kirk Wong Chi-Keung. Cette comparaison n’est pas anodine tant la violence viscérale dépeinte de ces œuvres s’avère brutale et froide. Lorsqu’on ne pense pas aussi aux nuits ensanglantées d’un Coolie Killer de Terry Tong Gei-Ming.


Scénaristiquement, The Black Wall développe un récit linéaire. On y suit la destinée d’un jeune homme, sans véritable repère qui semble crouler sous le poids de la fatalité. Il voudrait sortir de sa situation sans pour autant entrer sur le droit chemin. Il est un paradoxe qui ne prend pas pleinement consciences des conséquences de ses actes. Les personnages décrit pourraient être qualifiés de caricaturaux comme le jeu des acteurs (tout de même crédibles). Peu importe, l’histoire livrée est propice à narrer des situations dures et captivantes. L’ensemble donne parfois le sentiment d’assister à un univers de manga (ou manhua). Cela tant dans l’atmosphère que les personnages ou bien encore les aventures qui les animent. On s’amusera entre autre de l’hématophobie de Crazy Han ou bien encore du climax final. Le dénouement prend place sur un terrain de football, véritable arène où le sang coulera. Les footballeurs présents se révèlent vite comme une menace que notre anti-héros affrontera entre machettes, coups de feu et bombe artisanale. Un passage halluciné et hallucinant où ces gladiateurs des temps modernes se battent pour leur survie.


En termes de réalisation, Lau Ga-Yung détone pour un premier film. Il insuffle dans The Black Wall bon nombre de ralentis pour souligner la violence des combats. Il fait aussi appel aux flash-back pour retranscrire la psyché de son personnage principal. Et si la liberté de ton a ses limites, chose qui se révèle assez vite ici, il s’en dégage tout de même des qualités indéniables et un regard percutant. On retiendra ces passages muets lors de certains échanges verbaux entre personnages. On notera une photographie joliment travaillée. A ce propos, il semble y avoir un soin apporté dans les ambiances nocturnes ou bien les scènes de night-club dont le rendu VHS ne rend pas honneur. On se souviendra notamment d’une scène de torture dans les égouts jouant avec des contrastes noirs et bleus. Cette stylisation visuelle n’a rien de tape l’œil ou de poseuse dans sa façon d’opérer. Elle participe au climat général de l’œuvre. Sans ça, Lau Ga-Yung agrémente son film d’une bande-son très rock. Il fait spécialement appel au groupe de rock hongkongais Beyond dont il utilise à deux reprises le même passage filmique et musical (en cours de métrage et pour le ponctuer).


The Black Wall se montre sombre et glauque comme un polar désespéré. Il faut la voir cette scène d’introduction où notre anti-héros assassine à la machette dans une violence inhumaine deux hommes (surtout un). La scène se déroule au ralenti ce qui accentue la cruauté de l’instant. Quant à la caméra, elle prend soin d’être éloignée de l’horreur qui se joue en pleine rue. Le spectateur adopte la place de spectateur-témoin. Il s’en dégage un réalisme malsain comme si l’on assistait à la chose un peu par hasard au gré d’une balade en ville. Ce procédé sera repris dans le film. Que ce soit après une course-poursuite pédestre qui se termine avec un homme dans le vide ou lorsque l’un des amis de Ah Bon affronte un gang de jeune qui se déplace d’une « cour des miracles » aux couloirs d’un immeuble la jouxtant. La mise en scène de la violence est réfléchie pour nous la montrer rebutante et anti-spectaculaire. Bien que sur ce dernier point, les actes perpétrés donnent à voir. D’un homme qu’on lance d’un toit d’immeuble à un autre brûlé vif, en passant à une main trouée par une clé de voiture.


Voilà ce qu’est The Black Wall. Il est un film dense, loin d’être parfait et qu’on pourrait qualifier de complaisant dans cette façon qu’il a de nous dépeindre la violence de la rue. Ce serait adopter une vision faussée que de le croire. Ici, la violence est sale. Les éclairs gores qui la parsème montrent une triste réalité qui ne la glorifie pas, loin de là. Les combats à la machette s’accumulent et nous montre que tout ceci n’est pas un jeu comme ce combat au poing américain ou cette oreille coupée. Les corps meurtris sont à l’image de la veste en jean lacérée d’Ah Bon. Ils (elle) sont les témoins (et premiers rôles) de cette survie qui se joue à chaque recoin d’un Hong Kong lugubre et que tente de masquer les néons des enseignes. On s’affronte, on trafique, on corrompt et on torture même. On y voit surtout des jeunes, véritables pantins qui sont manipulés par des pontes ayant une mainmise sur eux. Leur existante n’est faite d’aucun lendemain. Des jours meilleurs leurs sont donc interdits et l’auteur souligne ces états de faits avec une vision effrayante.


The Black Wall, même avec tous ses défauts a tout pour être un film culte. L’histoire cinématographique actuelle en aura voulu autrement. Si un film fait avec les tripes n’est pas tout, il n’en reste pas moins que The Black Wall insuffle une atmosphère désenchantée et jusqu’au-boutiste. Il offre des scènes crues, propose des choses dans la mise en scène tout en maintenant un rythme qui est bercé par les temps-forts et temps-morts. En somme, un film qui reste en mémoire un certain temps…


https://hongkongmovievideoclub.wordpress.com/2012/12/14/the-black-wall-1989-lau-ga-yung-avis-critique-review/

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le 13 avr. 2013

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