Envolée cinématographique lynchienne sur l’introspection psychique d’une actrice au sentiment de culpabilité enfoui dans les limbes (Mulholland Drive, Inland Empire), The Brutal Hopelessness of love est une déclaration d’amour a une actrice. Mai Kitajima. Je ne connaissais pas ce doux nom, mais sans nul doute que ces syllabes me tarauderont l’esprit encore bien longtemps. Faisant un peu le même effet que Millennium mambo avec Shu Qi. Mais cette fois ci, c’est beaucoup plus dark, le dépassement de soi n’est pas juste esthétique, il est fusionnel, électrique si l’on puit dire. De ce fait, il livre un poème aventureux, fétichiste et masochiste, non sans sacrifice, qui demandera alors à la jeune femme de se mettre à nu sans retenu, pour qu’elle s’abandonne sans mesure à la caméra et faire corps avec l’image.

Pour qu’elle soit l’image, pour qu’elle soit le film. Elle a une emprise tentaculaire sur une œuvre à la complexité fortuite sur les souffrances féminines. Elle est l’objet du fantasme, son corps fantasmagorique est adulé ou maltraité, présenté comme un simple jouet de la domination des hommes ou comme une arme féminine qui s’amuse des pulsions de la société. Takashi Ishii en fait une icône martyre face à l’oppression masculine d’une société japonaise dont les fêlures sentimentales sont toujours aussi malades et désinhibées. Il est aisé de faire le pont entre cette œuvre et celle de Sono Sion, Guilty of romance, avec cette étude acerbe et charnelle de la place de la femme et de ses désirs dans une société gouvernée par l’autoritarisme sentimental et sexuel de l’homme.

Dans un visuel fait de néons sombres et translucides qui font éclater l’aspect glauque d’un film fort en tensions sexuelles, The Brutal Hopelessness of love est un écrin érotique violent et alambiqué qui rappelle fortement les œuvres de ses compatriotes Satoshi Kon, où les courbes avantageuses de Mai Kitajima se télescoperont avec percussion et délectation contre la mise en scène acérée et vindicative de Takashi Ishii. Le film de Takashi Ishii voit Nami (interprétée par Mai Kitajima), actrice japonaise en vogue, faire une interview pour parler de sa vie et des films dans lesquels elle joue (« Left Alone »).

La vie de Nami ayant de forte ressemblance avec la vie de son personnage dans (« Left Alone »), Takashi décide alors de prendre le même fil conducteur que Millenium Actress, c’est-à-dire une mise en abime entre la vie et la réalité où le cinéma se transforme en miroir de sa propre existence. Il sera au fil des minutes, difficile de lier le vrai du faux, le réel de la fiction, la sincérité de la folie. Que se passe-t-il devant nos yeux ? Un film dans le film, où une existence dans une fiction ? A l’instar d’un Perfect Blue, Takashi Ishii y délivre une critique acerbe sur la dualité du métier d’acteur où ce monde de starification incarne les déboires schizophréniques d’une artiste s’enfermant dans un fantasme identitaire destructeur et meurtrier.
Velvetman
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le 15 déc. 2014

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