Knowing is good, but knowing everything is better.

Un film d’anticipation à tendance dystopique (ou bien utopique ?) plutôt sympa dans l’ensemble et dont l’unique problème sera au final d’être peut-être un poil incomplet sur certains aspects. Anticipation dystopique parce que c’est l’exemple typique du film à vous rendre paranoïaque concernant le big data ou bien les énormes corporations informatiques. Bon, je laisse le soin aux geeks en informatique de relever toutes les erreurs ici et là, mais en soit ça ne gâche pas vraiment la vision du film. Le concept est au contraire plutôt bien exploité, en partant sur un constat très actuel puis allant soulever les bonnes questions sur les dérives possibles que cela peut conduire. Jusqu’à sa résolution totale qui pourra éventuellement paraître décevante à certains, mais qui pour ma part a été satisfaisante bien qu’abrupte.


Le souci, c’est peut-être que la façon dont elle est amenée n’est pas très explicite et presque bâclée par moment. Car en dystopie, l’idée est donc de renverser l’oppression incarnée par l’antagoniste (ou pas, cf 1984). Le problème c’est que s’il y a une forme d’oppression et que le film va opter pour une résolution intéressante (en prenant son concept et le globalisant totalement, créant donc une sorte d’utopie au final), il n’y a pas vraiment d’antagoniste. On peut notamment reconnaître l’intrusion dans la vie privée à différents moments, qui dérive également un peu sur le rôle des réseaux sociaux actuels et comment certains ne vivent que de leur nombre d’abonnés. Il y a cette toute-globalisation qui a quelque chose de terrifiant, l’énorme pression qui règne au sein de ces entreprises qui se veulent « friendly » mais ne le sont qu’en apparence. Et puis il y a bien sûr ces passages glaçants ou on parle carrément de privatiser l’État, ou bien cette surveillance constante à laquelle personne ne peut échapper.


Bien sûr, on nous présente Eamon et Tom comme antagonistes de par leurs décisions, et leurs réactions à la fin le laisse clairement penser. Le truc, c’est qu’au final, à aucun moment, ils ne sont réellement antagonistes, parce qu’ils ne s’opposent pas vraiment à Mae (au contraire, ils la redirigent pour leur propre besoin, un peu comme pour 1984, mais se font dépasser par les événements, d’où l’idée d’utopie), mais surtout ils agissent pour ce qu’ils pensent être le plus grand bien. Ils ont plusieurs comptes privés, superprivés, hypercyrptés…, mais on ne sait pas de quoi il en ressort vraiment au final. Il n’y a aucune raison à ce qu’ils soient les antagonistes, à part celle d’avoir perverti l’idée originale. Et quand je dis aucune raison, je devrais dire l’absence de raison pour être juste. Car il y a déjà eu au cinéma des antagonistes qui étaient méchants juste parce qu’ils voulaient être méchant, sans vraiment de motivation derrière. Mais même ça, c’est une raison d’être méchant. Là, c’est l’absence totale, il manque l’explication du pourquoi qui nous est pourtant teasée puisque visiblement la révélation de leurs comptes met Eamon et Tom mal à l’aise.


L’autre point qu’on pourrait reprocher au film est l’absence de véritables relations humaines au sein du film. Mais je trouve au contraire que c’est un bon point, parce que ça renforce cette idée que l’informatique nous éloigne d’un tissu social physique pour nous rapprocher d’un tissu social dématérialisé, superficiel. Bien sûr, Mae reste très proche de ses parents, mais ils sont peu à peu mis de côté, écartés, « déconnectés ». Idem avec Annie, où elles sont les BFF, mais on voit lentement Annie se crasher en plein vol tandis que Mae décolle. La keynote où Mae est pour la première fois sur scène est juste très intense à ce niveau, on sent vraiment l’amitié se fracturer, comme un séisme. Et j’en arrive à l’autre point que j’ai beaucoup aimé dans ce film : la quasi-absence d’une romance. Alors certes, il y a ce qu’on pourrait appeler une friendzone entre Mae et Mercer, mais on leur amitié passe en premier, et si elle est à la base d’un ressort scénaristique majeur, ce n’est pas le cœur de l’histoire. Le personnage de Mercer est un peu là pour nous montrer la vision inverse de l’univers qui se met en place et souligner comment Mae s’isole peu à peu.


Sur le casting, c’est globalement convaincant et correct. Ça fait bizarre de voir Tom Hanks en PDG dystopique, mais au final il s’en sort très bien tout en gardant son côté jovial pour lequel on l’adore. Emma Watson s’en sort plutôt bien dans ce rôle, portant vraiment le film par elle-même. Karen Gillan et Joy Boyega apportent un très bon support, même si on ne les voit pas souvent, tout comme Ella Coltrane. Bill Paxton et Patton Oswalt sont également plutôt bons dans leurs rôles.


Techniquement, le film est efficace même s’il ne sera pas transcendant. Les décors recréeront bien cette ambiance d’anticipation dystopique/utopique dans le milieu de l’informatique, et, couplé avec la photo, m’aura beaucoup fait penser à Her par moment. La mise en scène se voudra dynamique avec des plans-séquences, des travellings, du mouvement, mais ça restera au final correct et classique. L’incrustation des éléments informatiques poussera les plus téméraires à revenir encore et encore afin de pouvoir tout lire. Ça peut sembler surcharger, mais j’ai trouvé ça très ingénieux parce que ça reflète plutôt bien cette idée où, au final, on ne sélectionne que quelques messages dans ce qu’on lit sur les réseaux sociaux.


Bref, le film m’avait intrigué par son synopsis et son casting. Sans forcément être révolutionnaire dans le genre, il est très efficace et j’ai beaucoup apprécié. Il n’est pas parfait et peut-être incomplet, mais il a également beaucoup de très bonnes idées ici et là et soulève des questions très intéressantes sur notre société. Et c’est ce que l’anticipation doit être !

vive_le_ciné
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le 12 déc. 2017

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