Dans le cas d'un remake américain, il est devenu délectable de railler avant même sa sortie un film passé assurément à la compresseuse hollywood et n'atteignant jamais dans le sublime les sommets extactiques de l'art à la française, qui plus est le cinéma : sa création.
Le chauvinisme est toujours de mise, même si, en ce qui me concerne, je n'ose même plus essayer de comparer qualitativement Bienvenue chez les chtis à son remake ou encore Les visiteurs/Les visiteurs en amérique (Bien que il y aurait des choses à dire). J'aime trop le cinéma pour m'attarder sur les dégats dans les deux camps de l'atlantique.
Mais la comparaison entre Le diner de cons et The dinner est particulièrement passionnante. Vous avez d'un côté une comédie typiquement française (j'y reviendrai), ancienne pièce de théâtre, à l'énorme succès populaire. Et de l'autre, une comédie réalisé par Jay Roach avec Paul Rudd et le grand Steve Carrel, passée incognito dans le mercato d'hiver.
Deux films diamétralement opposés dans le traitement, le jeu d'acteur, le montage... Et l'un se réclamant un remake de l'autre tout en n'en étant pas un.
Dans The dinner, nous sommes sur une façon de réaliser dans laquelle les personnages/acteurs créent des situations comiques par eux même, leur simple présence et leurs techniques suffisent bien souvent à rendre une situation drôle (pas toujours, hein).
Alors que dans le Diner de cons, le film donne à voir un mépris de classe très franco-français, presque intraduisible. Cela expliquerait le large fossé entre ces deux films.
Car Le diner de cons, on le sait, a un sens de l'écriture très boulevard, il est dans la lignée des Feydeau, du marivaudage, parle d'adultère et de quiprocos.

Chez Jay Roach on gomme tout ce qui "franciserait" trop le film, pour rendre cela plus mouvant et l'insérer dans les canaux culturels américains. Parce que le dîner de cons est l'histoire d'un bourgeois éxilé fiscal qui organise des dîners hebdomadaires pour se foutre de la gueule des gens plus simples que lui. Il va se retrouver punit par l'ordre moral tel Don Juan et finir par comprendre, en gros, que les beaufs sont sympas et que tout le monde souffre. C'est presque complexe et mélancolique à la fin.

Chez Jay Roach , le héros n'est plus éditeur mais trader (à peu près). Il est dès la première scène situé au sein d'une équipe d'amis pour montrer son humanité et sa sympathie. Il est néanmoins avide de succès et de progrès (comme tous libéraux) et tente un coup de poker pour infiltrer le 6ème étage de la tour, celui des executives. Or ces mecs là qu'il connaît mal, sont des dominants, mâles aussi. Ils lui proposent de venir au dîner de con avec son invité comme un rite d'essai, une initiation pour rentrer dans la caste des puissants.
Cela renverse en fait tout le paradygme français. Nous n'avons plus un bourgeois cultivé avec de bonnes bouteilles de pinard chez lui, nous avons un gars sympa voulant réussir pour se marier et fonder une famille de classe sup. Alors que , dans le Diner de cons, Patricia Vandernoot (la femme de Pierre Brochant/ Lhermitte)était la seule personne à représenter l'ordre moral, le sens commun malgré son statut; Dans le version Americaine on en est encore au choix en lui même. La moralité étant déjà induite : Dois je accepter le dîner ou écouter ma femme qui m'en dissuade ? Dans la version française, le spectateur joue le rôle du censeur. Il rit à la fois de la gaucherie du valet, mais surtout du supplice mérité du maître. Ca résume le théâtre français.
Ce théatre français remet toujours en question l'autorité du maître. Depuis la comedia del arte en passant par le classicisme ou le révolutionnaire Beaumarchais, les plus grandes pièces riaient toujours des puissants.
Or, chez les Américains, on ne peut questionner (quand il s'agit d'Hollywood) efficacement des rapports de classe quand le mythe du self made man scintille toujours comme une étoile morte sur l'horizon ombragé. (Qui plus est, ce n'est pas à de riche producteurs blancs self made man, qu'on fera produire des films contre le self made man). Il faut que le héros soit beau, crédule, combattif. Son mal de dos , fondement structurel de la pièce de théâtre "Le diner de cons" (c'est une unité de temps et de lieu) ne dure que quelques scène dans The dinner, pour que Paul Rudd soit toujours capable de bouger.
Cela ne questionne que très peu les rapports de classe et de pouvoir. La maîtresse nymphonmane Marlène Sasoeur est transformée en un ancien coup d'un soir complétement folle et absurde. L'ancien meilleur ami ami éditeur (Juste Leblanc) brouillé pour une histoire de fille devient un rival trempant dans l'art égocentrique et tropical. D'ailleurs ce personnage, joué par flight of the concord/
épouse à la fois le personnage de Juste Leblanc et Monot ("dîtes lui d'appeler Monot!") pour plus d'efficacité.

Ai je detesté la version US ? Non, car elle ne repose pas sur les memes choses. La comédie US des années 2000 a proposé des formats inédits à la drôlerie et l'absurdité inégalés. Qu'on passe sur frat pack , l'écurie Judd appatow, la branche Will Ferrel Gary sanchez production, les lonely island, tous ces cercles plus ou moins imbriqués de troupes d'acteurs dont l'improvisation est le talent numéro 1.
Steve Carrel joue peu ou proue le même personnage que dans Anchorman et convoque toujours la gestuelle pour amener à voir la plus grande stupidité. Villeret était un pierrot un peu gauche et bon vivant. Carell arrive à tirer du comique en jouant l'abruti fini (un peu le même genre d'abruti qu'on retrouvera dans "tais toi" de Veber avec Depardieu) et total. Et je devrais aller plus loin en disant que, plus qu'abruti, Carrel joue toujours un fou. Un homme avec un QI de 60 qui est capable des pires réactions lorsqu'il se sent en danger comme un animal. D'ailleurs, le très réussi prégénérique de The dinner montre Carrel en train de peindre et d'orner des petites souris (c'est sa marotte) avec "The fool on the hill" de Mac Cartney derrière. On tend plus vers le fou que le vrai abruti.
D'ailleurs c'est cette vision de l'abruti que Will Ferrel a transcendé dans la comédie Americaine de cette époque. L'abruti fier de lui, un abruti à la Trump.
Le tandem entre Carrel et Paul Rudd fonctionne , mais la méthode impro est aux antipode de celle de Veber pour qui, comme au théâtre, chaque virgule compte. Mais selon moi, ce que les americains veulent c'est se concentrer sur le film comme écrin pour chaque acteur et sa personnalité reconnaissable. On convoque le plus de comique possibles pour amener à des situations drôle. Alors que dans le diner de con c'est la situation qui est déjà drôle.
C'est pour cela que la scène du controlleur fiscal ne fonctionne pas dans la version US par exemple. Le héros se déplace lui même dans le bureau du controlleur (Excellent Zach galifiniakis) et se fait mettre la pression par celui ci. Sauf qu'il n y a aucune tension quand au fait que les tableaux defiscalisés soient retirés ou que Daniel Prevost représente une menace intérieure, qu'il finisse par appeler Monot et tombe en twist sur sa propre femme.
Les gags américain ont tendance à déborder vers l'absurde. Ils débordent de bonnes intentions aussi.

brandonbanal
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le 24 mai 2019

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