Les bêtes (de la Corée) du Sud sauvage

Etrange et beau film que The Host. Sorti d'on ne sait où. Filant vers nulle part. Et qui se pose comme le fleuve coupant Séoul où se situe l'action : à la frontière entre un monde, le notre, d'on l'on retient son aspect politique et satirique, et celui d'un certain cinéma, propice à la rêverie, où l'on croise des monstres errants dans les égouts.
C'est là que se situe la grandeur trouble de The Host, dans sa recherche perpétuelle de tons et de genres, chacun ancrés dans un des deux univers que le fleuve, donc le film, sépare et relie à la fois.
De cet aspect satirique, pour ne pas dire humoristique - la scène des retrouvailles familiales devant la photo de la petite disparue, mon fou rire de l'année - jusqu'au regard politique curieusement âpre et cruel de la société actuelle, où The Host agit comme une longue métaphore filée de l'américanisation du monde ; le film hésite, se balançant comme le monstre qu'il décrit sur ce pont imaginaire.
Le monstre serait d'ailleurs, pour Bong Joon-ho, le reflet du film lui-même, s'il avait la capacité de se regarder devant un miroir : composé hybride et mutant, inidentifiable au premier abord. C'est ce qu'est The Host au fond de lui-même, une créature surgit des eaux et qui file, après avoir provoqué d'étranges remous, vers un horizon obscur.
Mais il ne faut tout de même pas aller si loin. Car, finalement, où le long-métrage trouve t-il son épanouissement le plus clair, si ce n'est que dans ce récit d'aventure qui se laisse aller à la tentation du suspense, avec une sincérité qui dévie avec bonheur vers le premier degrés ? Qu'importe, alors, les successifs ventres mous qui gênent le récit : le film n'est jamais meilleur que lorsque qu'il réinvente avec tact et modestie le classique déroulé du film de genre.
C'est la leçon universelle de Bong Joon-ho, et elle est humble et belle. Le dernier souffle que poussera ce film-créature sera celui de l'émotion. Et s'en ira donc ailleurs cueillir, comme il l'aura fait ici, les gerbes multiples de la tristesse du monde.
B-Lyndon
7
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le 26 avr. 2013

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B-Lyndon

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