Ayant adoré Into the Wild, j'avais un certain espoir en Sean Penn, m'attendant sinon à un autre grand film (bon vu les critiques...), à un truc fort mais incompris, qui irait au moins quelque part...


Le début du film le laisse espérer. On se dit, à voir la tête de Charlize Theron quand elle perçoit la présence de son ancien amant (dans une scène abusant d'effets de flou pour qu'ils apparaissent comme seuls dans une rue), qu'il a bien dù leur arriver des choses fortes et intéressantes pour qu'elle en soit arrivée là. On se dit à voir les premières images, insoutenables, du Libéria, qu'on va avoir droit à un film coup de poing...


Puis arrive le flashback principal, et surtout la voix off, omniprésente, verbeuse, soulignant lourdement tout ce qu'on découvrirait avec plaisir sans elle, et surtout nous envoyant dans la face le malaisant malaise du docteur Wren Petersen. Femme dont le Drame est d'être une femme et la fille de son père (un humanitaire célèbre), tragédie qui semble, à entendre la voix off, bien pire que le sort des réfugiés de guerre dont elle s'occupe distraitement. Calvaire qui expliquera qu'elle cherche le réconfort auprès d'un docteur mâle, "le fils qu'elle aurait aimé être". Bon à ce stade, on se dit, on n'est qu'à 20mn dans le film, peut être nous raconte-t-elle ça que pour nous faire réaliser la futilité de ses soucis d'avant qu'elle soit confrontée à l'horreur. Peut être s'agit il de montrer que les humanitaires vivaient dans une petite bulle confortable avant l'évacuation de Monrovia ? Certes la présence de Jean Reno dont le personnage est appelé "docteur Love" (c'est son vrai nom), et d'Adèle Exarchopoulos, une cousine de l'héroïne dont les dialogues semblent tirés d'un épisode des Feux de l'Amour, n'est pas là pour rassurer. Mais quand même, sur un sujet aussi fort, Sean Penn ne va pas nous servir une bluettte...


Arrive donc l'évacuation de la ville, et les premières scènes de violence. Et une blessure à la machette, et une césarienne avec les moyens du bord dans la jungle filmées avec une telle insistance sur le sanglant qu'elle me fait me dire que Sean doit être un admirateur de l’œuvre de Mel Gibson (pas de problème, pas la pire référence pour un film coup de poing). Mais il faut que comme un cheveux mielleux dans la soupe la caméra se détourne au milieu de cet accouchement sanglant vers les regards langoureux échangés par les protagonistes, m'évoquant irrésistiblement une scène du film The Dictator (pas celui de Chaplin, celui de 2012 avec Sacha Baron Cohen).


Et c'est comme ça pendant tout le film, un coup de voix off, qui parle un peu de tout mais moins de l'important que des soucis d'égo de l'héroïne, un peu d'exposition des problèmes rencontrés par les humanitaires, une rasade d'images d'horreurs-vraiment-horribles-que-plus-horrible-tu-meurs de la guerre (incluant jusqu'à un instant de "gore intestinal" digne de Braindead), quelques débats sur qui sauver comment et pourquoi, et retour à de l'intimisme mielleux (filmé lui de manière ultra pudique généralement, contrastant avec le coté hyper cru du film quand il montre la guerre - vieux tropisme hollywoodien, la mort / la souffrance ça se montre mais le sexe c'est sale ? - pas que le film aurait été mieux avec du cul, mais la différence de manière de filmer entre scènes de guerre et d'amour est telle qu'on a l'impression que Sean a sous-traité une moitié du film à AB productions en plus de celle à Mel Gibson).


Enfin quand on en vient à l'opposition entre les deux protagonistes, alors qu'ils semblent avoir quelques désaccords sérieux et intéressants sur leur mission et comment la mener à bien, c'est complètement désamorcé par une "révélation" antérieure sur le personnage du docteur Miguel Leon qui fait qu'on ne sait plus très bien si ils s'engueulent réellement sur leur mission, ou si leur mission est juste un prétexte qu'ils utilisent pour se chamailler, leur couple commençant à se disloquer suite à la révélation que le brave docteur serait "un homme à femmes" (bien qu'il n'en ait connu que deux en des années, visiblement), ce qui ne peut que perturber une héroïne dont la voix off nous avait apprit qu'elle avait problème à en être une.


Je passe sur la fin du film, pas trop ratée voire qui doit être assez émouvante, à condition d'être parvenu à garder un intérêt pour les protagonistes à ce stade.


En conclusion, je ne sais pas ce que Sean Penn voulait faire ici. Un film coup de poing sur les horreurs de la guerre plein de scènes sanglantes, le reste ne faisant que créer du contraste pour les rendre plus horribles ? Un film d'amour intimiste sur un couple qui se trouve, puis se chamaille, puis se retrouve ? Un film proposant une réflexion sur l'humanitaire, opposant un humanitaire de terrain et une décideuse de ce milieu (le sujet intéressant du film mais tellement parasité par le fait que ces deux vivent une histoire d'amour qu'on peine à trouver ce que le film voulait en dire) ? Je crois que (sauf à demander au réalisateur) on ne saura jamais.


PS : j'avais loupé la première minute du film. Apprenant qu'il s'ouvre par un bandeau comparant la violence de la guerre à celles d'une histoire d'amour (et compte tenu de celle qui suit), je descend ma note de 4 à 2 parce que bon se perdre en n'allant nulle part est une chose, le faire en partant dans une direction indécente en est une autre.

Antonio-Palumbof
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le 4 déc. 2017

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